Plomberie
Le métier de plombier est un métier très ancien, dont l'origine remonte à la construction des pyramides en Égypte antique ; attesté par des tuyaux en cuivre vieux de 4500 ans1, c'est un métier qui n'a cessé de s'améliorer et de se développer au cours des siècles et des générations de plombiers qui l'on servi.
Les villes en Grèce antique avaient leurs réseaux d'eau qui alimentaient des fontaines toujours célèbres de nos jours[Quand ?]. L'apogée de la distribution de l'eau dans l'Antiquité est l’œuvre de Rome dans tout l'Empire romain, dont subsistent encore de nombreux vestiges. Après les grandes invasions, le métier de plombier renaît et se réoriente vers la couverture en plomb des cathédrales et des palais, avant que ne reviennent l'alimentation des fontaines et autres jeux d'eau des châteaux de la Renaissance. Le xixe siècle voit lentement l'eau monter dans les immeubles, avec l'arrivée du gaz. Le xxe siècle est le siècle de l'eau pour tous dans les pays développés, dans la cuisine et la salle de bains des villes et des campagnes.
Le travail du plombier est à la fois varié et complexe en raison des différents matériaux susceptibles d'être utilisés, ainsi que du nombre de travaux qu'il est amené à exécuter : installations pour l'eau, pour le gaz, la protection incendie, les gaz médicaux et bien d'autres fluides. Les lieux dans lesquels s'exerce le métier de plombier sont également variés : tous les lieux d'habitation, de soins et de loisirs, les immeubles de bureaux, les installations dans les usines et dans les campagnes, etc.
Sommaire
1Le plombier et son histoire1.1Dans les temps anciens1.1.1En Égypte1.1.1.1Les découvertes d'Abousir1.1.2En Perse1.1.3Dans la Vallée de l'Indus1.1.4En Mésopotamie1.1.5En Crète minoenne1.1.6En Grèce1.1.7Au temps des Celtes1.1.8Au temps des Romains1.1.8.1Les découvertes de Pompéi1.1.8.2Les découvertes de Trinquetaille1.2Dans le Haut Moyen Âge1.2.1L'église et le château fort1.2.2Le plomb et le cercueil1.2.3Le temps des cathédrales1.2.4Les corporations1.3Les monastères et les abbayes1.3.1Le monastère et l'eau1.3.2Le lavabo ou la fontaine1.3.3Le plan de plomberie du psautier d'Eadwine1.3.4Baptistères et fonts baptismaux1.3.5La couverture des monastères1.4Au temps de la Renaissance1.5Les plombiers à Versailles1.6Les machines de Marly1.6.1Les captations sous Louis XIII1.6.2Les captations sous Louis XIV1.6.3Les eaux de la Bièvre1.6.4L'eau des rigoles1.6.5Le canal de l'Eure1.6.6Le Moulin de Palfour1.6.7La machine de Rennequin Sualem1.6.8La Machine de Brunet1.6.9Machines à vapeur des frères Périer1.6.10La Machine provisoire1.6.11La Machine de Cécile et Martin1.6.12La Machine hydraulique de Dufrayer1.7Dans les villes et dans les campagnes1.8Le renouveau de la profession2Le plombier, le gaz et le gazier2.1Origine du gaz2.2Le gaz dans les villes3Les matériaux4Le plombier et l’apprentissage du métier4.1L’apprentissage du métier chez les anciens4.1.1En Mésopotamie4.1.2Dans l'Égypte ancienne4.1.3Dans la Grèce antique4.1.4À Rome et dans l'Empire Romain4.1.5Dans la Gaule4.1.6Du Ve au XIIe siècle4.2L’apprentissage contemportain en France5Le plombier et le compagnonnage6Les plombiers français dans le monde7Le futur du plombier8Conclusion9Voir aussi9.1Bibliographie10Notes et références
Le plombier et son histoire[modifier | modifier le code]
Dans les temps anciens[modifier | modifier le code]
Une étude sur l'histoire du plombier est un exercice difficile dans la recherche de la vérité avec la méthode historique la plus rigoureuse, ceci pour des périodes dont les métiers sont peu développés, souvent mal connus et pour lesquelles les écrits ne sont pas toujours venus jusqu’à nous. Cependant, si l'on n'a pas toujours de preuves concrètes de l’existence d’un plombier à une époque donnée, par les recherches archéologiques, les preuves des matériaux qu’il a pu utiliser sont souvent disponibles. De nombreuses revues, articles et thèses spécialisés dans la distribution de l'eau, sont souvent très évasives sur la présence ou la nature de canalisations sur certains sites de recherche «... on peut imaginer que la tuyauterie qui alimentait les arrivées d'eau [...] cette arrivée peut être imaginée de deux façons : une conduite en plomb horizontale ou un tuyau vertical [...] des tuyaux probablement en plomb ont été insérés.2,3. La période du xie siècle est la plus obscure et la plus mal connue de l'histoire du mérier. Avec les guerres et les invasions, les structures corporatives de la Gaule romaine ont disparu, ou du moins se sont mises en sommeil, avant de renaître, aux xiie et xiiie siècles comme le suggèrent certains historiens4.
Lorsque l’on considère la contribution que la plomberie et les sanitaires et donc les plombiers ont apportée dans la santé et la qualité de la vie de nombreuses populations, alors beaucoup d’autres choses paraissent beaucoup moins importantes, car, entre la perception d'un progrès et son effet réel, il y a souvent une différence qui n'est pas toujours visible. « Les réseaux d'eau et d'égouts ont plus fait pour l'humanité, que de très spectaculaires progrès médicaux comme, la transplantation cardiaque. Ce n'est nullement pour en minimiser l'incommensurable valeur, mais pour rappeler qu'entre la perception d'un progrès et son effet réel, il y a souvent un océan d'ignorance. Il faudra encore un demi-siècle pour que toutes les villes du monde de plus de 5 000 habitants disposent de réseau d'eau potable5,6,7. »
Le mot plombier a évolué au cours des âges, avec des incohérences suivant les documents consultés : chez les Romains, on les appelait, Plumbarius8, dans la France du xiie siècle ils étaient Plunmiers9, mais pas encore reconnus comme corporation ; ils étaient déjà Plommiers10 au xive siècle et Plombeurs10 au xve siècle. Dans leurs statuts de 1549 promulgués par Henri II, ils sont des Plombmiers11, alors que dans les statuts de 1648, le Maistre est nommé comme Maistre Plombier12.
D’après le registre de la taille de Paris, il y avait en 1292 un Mestre Ploumier13, du nom de Mestre Raoul, seul artisan de son état à porter le nom de plombier. L'histoire ne le dit pas quel était son travail.
Dans d'autres pays, le mot pour définir le métier de plombier se rapporte à sa racine latine issue du plomb, plumbum, tel le plumber anglo saxon. En langue bretonne, le plombier se dit plomer de plom, le plomb. « La langue bretonne que parlent les Bretons bretonnants, fait partie des langues celtiques, la richesse de son vocabulaire lui a permis de s'enrichir de certains mots de la langue française ou latine tel ar plomer – le plombier - ou en construisant des mots issus de la langue bretonne comme pour an tredaner – l'électricien14. » Aujourd’hui, en France, le plombier se fait également appeler installateur sanitaire.
Lorsque l’on remonte dans les temps anciens, dont les techniques sont venues directement jusqu’à nous, les vestiges mis au jour par les archéologues permettent d’avoir des preuves concrètes de l’existence, à la fois de réseaux d’eau, des matériaux transportant cette eau et des hommes qui assuraient la fabrication et la mise en place de ces réseaux. Ces réseaux de tuyauteries trouvés dans plusieurs parties du monde, sont directement liés aux installations d’eau actuelles, ceci par l'apport de techniques et de compétences des nouvelles générations de plombiers au cours des millénaires : « Transmettre, voilà l'objectif. C'est ce que l'on ne remplace pas, pas plus pour la famille que pour le métier par l'école. Au cœur du problème se place le devoir des générations qui exige l'effort d'éducation et de transmission, cet effort par quoi l'humanité ne sombre pas [...] La transmission des valeurs d'un métier ne correspond pas, quant au fond, à la transmission d'une technique15... » Aujourd'hui disparues, plusieurs grandes civilisations autour de la Méditerranée, ont depuis des millénaires contribué à la lente progression des techniques de captation, de traitement et de distribution de l’eau et donc au métier de plombier16.
En Égypte[modifier | modifier le code]
En Égypte, au début du IIIe millénaire avant J.-C., les temples dédiés aux pharaons des premières dynasties n'ont pas de réseaux d’eau ; dans l’ancienne capitale Memphis (IIe dynastie, 2750 ans av. J.-C.), les maisons-palais de la haute bourgeoisie sont encore alimentées en eau à partir d’un puits-citerne qui recueillait l’eau de pluie ou l'eau du Nil, apportée par les serviteurs esclaves et les ânes17.
Le pharaon Djéser, inaugure avec son complexe de Saqqarah, un nouveau concept dans la construction des ensembles pyramidaux, qui resteront à peu près identiques pour tous les monuments funéraires royaux construits par la suite. Un des éléments important sera la construction du Temple Haut, généralement contigu à la pyramide, et dont une partie sera destinée à la purification rituelle des offrandes faite à pharaon. Des canalisations sont placées dans le sol du temple afin d'évacuer les eaux lustrales qui seront versées sur les offrandes, puis généralement évacuées avec les eaux pluviales vers le Nil ou le désert. L'archéologue Ludwig Borchardt avec les découvertes d'Abousir, précise que dans ce Temple Haut se trouvaient des locaux pouvant servir à la préparation des corps avant l'embaumement. Cependant, à ce jour, aucun autre réseau de tuyauteries métalliques n'est décrit dans les différents temples mortuaires explorés par les archéologues, autre que celui du temple mortuaire du pharaon Sahuré à Abu Sir, seul des réseaux en poterie sont décrits sur les sites de fouilles, à Tell Amarna, Deir el Bahari (dans la grande cours du temple), Kahun ou El Lahoun et le temple de Sésostris II, etc18.
Les découvertes d'Abousir[modifier | modifier le code]
Le complexe du Temple mortuaire du pharaon Sahourê, souverain de la Ve dynastie à Abousir en Basse Égypte, son règne se situe entre 2458 et 2446 avant J.-C., est une source d'informations, majeure pour les plombiers.
L'archéologue allemand Ludwig Borchardt, a découvert lors des fouilles réalisées de 1902 à 1908 à Abousir, sous le plancher du rez de chaussée du Palais mortuaire du pharaon Sahouré, un réseau de tuyauteries d'évacuation en cuivre assez exceptionnel19.
Dans plusieurs locaux du Temple mortuaire dit en amont, proche de la pyramide principale, ainsi que dans celui dit en aval, pour la purification au bout de la galerie, un réseau de tuyauteries d'évacuation en cuivre, d’un diamètre de 47 mm, de 1,4 mm d'épaisseur et de plusieurs dizaines de mètres de long, datant de 2500 ans avant. J.-C., a été trouvé lors des fouilles par Ludwig Borchardt. Ce réseau de tuyauteries servait à l'évacuation de l'eau, de l'huile et de graisses de plusieurs bassins utilisés pour la préparation des corps des défunts lors de l'embaument ainsi qu'au nettoyage des outils ; la pente des tuyauteries était d'environ de 1,5 %20. Un élément de la tuyauterie est exposé au Musée National de Berlin (National Ägyptisches Museum) dans la section des antiquités égyptiennes. La tuyauterie de cuivre était engravée dans un caniveau de pierre et pour sa protection, posée et recouverte par un lit de mortier, des dalles de pierre recouvraient l'ensemble21.
Dans son ouvrage relatant ses découvertes22, Ludwig Borchardt précise :
« Nous devons consacrer une subdivision particulière pour cette installation, qui n'avait encore jamais été découverte sur aucun monument égyptien de cette époque, avec une telle qualité pour l'ensemble du système d'évacuation des eaux. »
« Chaque bassin se composait d'une auge de pierre [...] avec une bonde conique en plomb avec un œillet en cuivre martelé et un anneau en bronze, lorsque la bonde était tirée, l'eau s'écoulait dans une conduite de cuivre souterraine qui commençait du bassin le plus éloigné [...] et qui sur son parcours prenait l'eau des autres bassins »
« Nous avons déjà évoqué les installations de drainage à l'intérieur des locaux, mais nous les reprenons plus en détail. Les fluides évacués sont de l'eau et probablement des huiles et des graisses qui venaient des défunts23... »
« Nous avons parlé jusqu'à maintenant d'un conduit creusé dans le calcaire. Cependant, ce n'est que le support pour la conduite, celle-ci reposant sur un lit de mortier de plâtre. Sur le pourtour cylindrique de cette couche de mortier, il y avait beaucoup de traces de vert-de-gris, parfois même de cristallin et enfin dans la partie d, 6 et e, 3, de plus gros morceaux de feuilles de cuivre oxydé... »
« Il est clair que c'est là l'empreinte de tube de cuivre ronds, d'environ 0,047 m (47 mm) de diamètre extérieur [...] et d'une épaisseur de 0,0014 m (1,4 mm). Un examen plus précis a permis à certains endroits, (d, 6 et e, 5-6) de déterminer la longueur des éléments de tube à 1,02 m. Les tubes étaient emboîtés les uns dans les autres, la longueur de l'emboîture n'étaient pas reconnaissable. La jonction latérale (servant à l'étanchéité du tube) se faisait par un simple recouvrement de 0,026 m (26 mm) de large' »
« D'après le Maître plombier Heinrich, la soudure du cuivre ne semble pas avoir été connue des Égyptiens de l'Ancien Empire...» (D'après Heinrich, les tubes ont été réalisés à partir de feuilles de cuivre brutes, martelées, amincies, puis roulées pour former un tube. L'étanchéité latérale du tube, placée en partie haute, se faisait par un recouvrement martelé, le mortier faisait le reste.) « L'analyse des tubes cuivre a donnée : 96,47 % de cuivre, 0,18 % de fer ainsi que des traces d'arsenic, de chlore24... »
« Suivant le morceau de tube de 0,85 m de long trouvé...la jonction latérale était placée en dessus, ce qui permettait une étanchéité jusqu'au remplissage maximum du tube. La pente de la canalisation était faible mais régulière, environ 1,5 %, qui correspond approximativement à une pente de 1 pouce pour une aune égyptienne...» 25. Par rapport au système métrique, 1 doigt = 1,89 cm et 1 aune égyptienne = 5 m environ26. »
Dans son livre, Ludwig Borchardt conclut ses nombreuses pages de texte, de croquis et de photos prises directement sur le site de ses découvertes par cette phase : « L'ensemble de l'exécution d'un drainage ainsi ramifié est dans l'histoire de l'architecture égyptienne d'une nouveauté complète ». Puis termine par :
« Voici juste les faits. Considérez ceci : l'installation d'une conduite métallique de cette importance, créée au milieu du troisième millénaire avant Jésus Christ, c'est probablement la chose la plus particulière, la plus inattendue et la plus extraordinaire que l'histoire de la construction ait donnée27. »
La fabrication et la mise en forme des tuyaux, ainsi que la fixation longitudinale, de même que la pose d'un réseau de plusieurs centaines de mètres, ne peuvent être que l’œuvre d’ouvriers hautement qualifiés ; hommes libres ou esclaves, ils ne s’appelaient pas plombier, mais en avaient l’expérience et la qualification. Une fresque dans une des tombes, montre la fabrication d’une feuille de cuivre avant son utilisation, depuis la fonte du minerai et le coulage sur lit de sable, jusqu’à son amincissement par martelage puis sa découpe en feuille28.
Sur ce même site d'Abousir, des réseaux d'évacuation d'eau pluviale en pierre ont été mis au jour par Ludwig Borchardt. Le réseau découvert comportait des gargouilles d'entrée d'eau et des caniveaux en pierre, mis en place à l'air libre, ou enterrés et recouverts de dalles de pierre29.
Au ive siècle av. J.-C., sur les pas d'Alexandre le Grand, lequel avait chassé les Perses d’Égypte, commence la dynastie gréco-égyptienne des Ptolémées et l’occupation de l'Égypte par les Grecs, puis au ier siècle, l'arrivée des Romains qui occupèrent le pays. Lors de cette présence romaine, les plombiers-soldats30 romains ont appris des plombiers égyptiens la fabrication et l'utilisation du cuivre pour les réseaux d'adduction d'eau, comme le faisaient les plombiers, esclaves ou hommes libres de l'Égypte ancienne, depuis des millénaires. Plus de deux millénaires plus tard, les plombiers de Rome, travailleront le plomb et réaliseront les fistulae, les tuyaux de plomb, de la même manière que les plombiers de l'Égypte ancienne travaillaient la feuille de cuivre, afin de réaliser des tuyaux pour les besoins des installations de plomberie de l'Empire romain.
Les différentes fouilles entreprises sur les sites d'Égypte depuis les découvertes de Ludwig Borchardt, n'ont pas apporté, à ce jour, d’autres preuves concrètes de l’utilisation de tuyauteries en cuivre pour les réseaux d'eau, autres que celles du palais d’Abou Sir. Les pillages et la réutilisation des matériaux, ne permettent que difficilement la restitution de certaines techniques du passé, que ce soit pour la fabrication ou la pose de tuyauteries métalliques.
L'exploitation du cuivre dans les régions du pourtour de la Méditerranée date de 2300 ans av. J.-C. sur l’île de Chypre, d'où son nom latin : cyprium.
En Perse[modifier | modifier le code]
C'est sur les plateaux d'une des premières civilisations du monde et avant que le pays ne s'appelle la Perse puis l’Iran, que le cuivre, un des plus anciens métaux utilisés par l’homme, aurait été découvert, le début de son utilisation remonterait au VIe millénaire av. J.-C.31. Lors des fouilles effectuées sur le site de la ville de Dur-Untash ou complexe de Chogha Zanbil, dans la province du Khouzestan iranien, il a été mis au jour plusieurs réseaux d'eau, en pierre et en poterie32. Certaines des jonctions de ces tuyaux en poterie étaient particulières, elles étaient réalisées au plomb fondu. Cette technique du joint au plomb fondu sur des tuyaux en poterie, sera utilisée près d'un millénaire plus tard, au vie siècle av. J.-C., lors de la construction de la canalisation d'amenée d'eau, dite de l'aqueduc Persistratis, pour l'alimentation de la ville d'Athènes. À Dur-Untash, d'autres poteries souterraines pour l'évacuation des eaux de pluie des maisons, étaient en poterie recouverte de goudron naturel (naphte) pour en réaliser l'étanchéité33.
Les ruines de plusieurs palais ont été mises au jour ; le palais numéro III était particulièrement soigné, chaque appartement était équipé d'une salle de bains avec une cuve-baignoire et des canalisations d'évacuation en poterie. La proximité avec la cuisine avait pour but de fournir de l'eau chaude et froide34. Les hommes qui fabriquaient les tuyauteries - probablement des potiers - ainsi que les hommes qui les préparaient et les mettaient en place, le faisaient avec un professionnalisme qui se rapprochait beaucoup de celui des plombiers, qui dans les millénaires futurs vont travailler le plomb pour réaliser les conduites de distribution de l'eau dans l'Empire romain.
Au cours des fouilles sur le site du complexe de Chogha Zanbil, aucune trace de tuyaux métalliques, en cuivre ou en plomb pour l'adduction ou l'évacuation des eaux, n'a été mise au jour par les archéologues. Après captation, décantation35 et l'amenée de l'eau par des aqueducs et des caniveaux de pierres et en poterie, l'alimentation des différentes parties des thermes devait se faire par les esclaves et les animaux. Sur le site de la ville de Dûr Untash, les archéologues ont découvert un ensemble important de bassins servant à la décantation des eaux du fleuve, fortement chargées en sédiments, ce qui en fait la plus ancienne station de traitement de l'eau du monde.
Dans la Vallée de l'Indus[modifier | modifier le code]
Au IIIe millénaire av. J.-C., alors que naissaient les premières civilisations dans les grands bassins fluviaux de la Méditerranée et de la Mésopotamie, se développait dans la Vallée de l'Indus, vers 2800 – 2600 av. J.-C.36 dans le Pakistan actuel, la civilisation dite Harappéenne. Deux grandes métropoles émergèrent de cette partie du monde et depuis plus d'un siècle, elles sont l'objet de fouilles à l'initiative de plusieurs pays : ces villes sont Mohenjo-daro et Harappa. Les différents archéologues qui ont travaillé sur les fouilles de ces deux villes37, ont été surpris par le développement de l'hygiène sanitaire, de l'alimentation en eau et des réseaux d'évacuation des eaux usées. Des réseaux qui pour l'époque ont une technique si élaborée, qu'ils sont les seuls en ces temps à avoir été construits dans une autre cité dans le monde ; il faudra attendre, plus de deux millénaires et la civilisation romaine, pour atteindre un tel degré de développement dans ce domaine de l'alimentation et de l'évacuation des eaux usées38.
La ville de Mohenjo-Daro.
La ville qui à son apogée avait 35 000 habitants39, était divisée en deux : la ville haute ou Citadelle, et la ville basse. La Citadelle, comportait des maisons d'habitation plus confortables, où vivait une population riche de gouvernants et de marchands ; chaque maison, construite le long des grandes rues de la cité, comportait une salle de bain et des latrines individuelles, avec un système de drainage des eaux usées, à la fois vertical pour rejoindre le niveau du sol et horizontal pour se raccorder sur le réseau général placé le long des rues principales. Les réseaux intérieurs étaient en poterie finement ajustées, alors que le réseau principal le long des rues était en pierre et couvert de pierres non scellées pour permettre un entretien plus facile. Un regard en brique, ou un rétrécissement au niveau de la tuyauterie, était placé avant le raccordement sur le réseau principal afin de récupérer les dépôts important40. L'égout principal se déversait dans le fleuve. La ville basse, habitée par des populations plus pauvres, était située vers l'extérieur de la ville, dans des immeubles de 2 ou 3 étages. L'évacuation de l'eau de ces immeubles était réalisée suivant le même principe que celui des maisons particulières.
L'alimentation en eau des maisons se faisait à partir d'un puits privé, construit en brique jusqu'au-dessus du sol41. Dans la ville basse et concernant l'habitat populaire, certains écrits parlent de réseaux d'adduction d'eau, mais sans référence valable. Cet habitat collectif était plutôt alimenté en eau à partir d'un réservoir central élément lui-même alimenté par des puits collectifs.
Sur le site de Mohenjo-Daro, la construction la plus spectaculaire et la mieux conservée, reste les Grands Bains, avec douches, peut être pour une utilisation rituelle42. Ces bains étaient étanchés par plusieurs couches de bitume (naphte) de 2 cm d'épaisseur et la pose de briques finement ajustées ; les relevés étaient étanchés à l'identique et recouverts de briques pour la finition, afin d'éviter les remontées d'eau dans les murs42. Les bains étaient alimentés par un puits proche, ainsi que par la récupération de l'eau de pluie43, ce qui nécessitait des bacs de décantation dont aucun archéologue ne parle. Le sol des Grands Bains est légèrement en pente et la vidange du bassin se fait par un tuyau traversant le mur vers le réseau extérieur. Un bâtiment accolé au bain, comportait un hypocauste, technique de chauffage de l'eau, probablement ici pour le chauffage de l'eau du bain et des douches ; le dr Srikanta Sastri indique la possibilité de bains de vapeur (sauna) ou hammam44. Cette technique de l'hypocauste assez surprenante dans cette région à cette époque, était en avance de deux millénaires sur cette même technique qui sera largement employée par les Romains45.
La ville d'Harappa
La cité d'Harappa fut construite avant Mohenjo-Daro, mais sur le même modèle d’urbanisation : une cité quadrillée par des rues principales et secondaires, qui aurait comptée jusqu'à 40 000 habitants46. Les maisons de la Citadelle ou ville haute, habitée par la bourgeoisie dirigeante et de marchands, comportaient un niveau de confort et d'hygiène avancé, avec salles de bains pavées de briques cuites au feu et parfaitement ajustées, ainsi que des latrines au sol lui aussi étanché. Les latrines comportaient un élément fait d'une jarre sans fond qui servait de receveur et se raccordait avec une tuyauterie en poterie sur le réseau horizontal de la maison, lui-même raccordé sur le réseau sur la rue47. Le long des rues principales était construits des réseaux d'évacuation des eaux usées en pierre, avec regards de visite et raccordement de chaque maison en tuyaux de poterie, sur le même modèle que les réseaux de Mohenjo-Daro.
Les eaux usées, à partir des réseaux principaux, étaient dirigées vers le fleuve par un conduit enterré de forme rectangulaire et la partie supérieure arrondie. Cette sortie sur le fleuve était fermée la nuit pour éviter toute intrusion de personnes ou d'animaux48.
L'alimentation en eau potable et les eaux en général étaient abondantes dans la cité49, comme pour Mohenjo Daro, elles se faisaient par des puits individuels et collectifs suivant les différentes parties de la ville, le puisage de l'eau se faisait au moyen d'une corde et d'une poulie en bois50. Le Dr Ghani-Ur-Gahman précise que 700 puits ont été découverts dans la ville de Mohenjo-Daro, alors que 30 seulement ont été mis au jour dans la cité d'Harappa51.
Dans la ville de Dholavira, autre grande cité de la civilisation harapéenne, un ensemble de 80 latrines collectives a été mis au jour. Chaque maison y avait son puits et sa salle d’eau dallée. Les eaux étaient rejetées dans des caniveaux couverts en pierre, le long des rues principales, qui aboutissaient dans des jarres sans fond, sortes de puits perdus52.
Mais, à part des réseaux construits en poteries et en pierre, pour l'adduction et l'évacuation des eaux usées, aucune tuyauterie en matériaux métalliques tels que le plomb ou le cuivre, pour l'amenée de l'eau vers les lieux proches de leur utilisation, n'a été découverte par les archéologues. Cependant, la préparation et la pose de ces réseaux de tuyauteries en poterie, dont les éléments sont ajustés avec une telle précision pour éviter les fuites au moment de la mise en eau, ainsi que le principe d'étanchéité des parois, laissent à penser à l’existence d'une corporation d'ouvriers hautement qualifiés dans les domaines hydrauliques.
En Mésopotamie[modifier | modifier le code]
Babylone, est une ville antique de la Mésopotamie située dans l'Irak actuel. On situe le début de sa construction au IIIe millénaire avant J.-C., mais sa profonde transformation et son apogée datent du ve siècle av. J.-C., avec le roi conquérant Nabuchodonosor II et la construction de palais, temples, ziggourats et des grandes voies de circulation. Babylone ville plusieurs fois détruite et reconstruite au cours des âges, est l'objet de fouilles depuis une centaine d'années par plusieurs équipes internationales dont des allemandes53. La ville était construite sur la partie gauche de l'ancien lit de l'Euphrate, des fossés et canaux remplis par l'eau du fleuve constituaient à la fois un rideau défensif, mais également permettaient le drainage des eaux de pluie et l'évacuation des eaux usées vers le fleuve54. Des réseaux d'adduction d'eau de la ville il subsiste peu d'informations, soit par la destruction du site au cours des différentes invasions, anciennes ou plus récentes, soit également par les recherches archéologiques non terminées ou pas encore entreprises.
Si l'on se réfère aux indications données par les équipes d'archéologie qui ont travaillé sur Ninive, la sœur jumelle de la Cité de Babylone et dont les populations avoisinaient les 50 000 habitants au temps de sa splendeur, de grands travaux hydrauliques ont été entrepris tout au long de la construction de la ville55. Pour la construction et l'entretien de la ville, un nombre important d'ouvriers était nécessaire. Un quartier d'artisans a été découvert à Ninive, Babylone devait en avoir un également. Sur l’artisanat en Mésopotamie au xviiie siècle avant notre ère, les spécialistes se réfèrent au Code de Hammurabi, daté de 1750 av. J.-C., découvert par l'archéologue Jacques de Morgan en 1901 et qui se trouve au musée du Louvre. Ce code donne d’excellentes informations sur l'artisanat dans cette région du monde, car c'est à la fois un code de justice, une œuvre d'art par sa gravure en écriture cunéiforme et en langue akkadienne, c'est aussi une partie de l'histoire de la région en ces temps anciens56.
Dans son livre Les croisades vues par les Arabes, Amin Maalouf confirme que Bagdad, la ville fabuleuse des Mille et une Nuits avait d’excellentes canalisations d’eau ainsi que le tout-à-l’égout...57. À Babylone, une dizaine de villas de nobles ont été mises au jour, mais aucune trace d'installations sanitaires. Par contre des jardins, des bassins et que dire des très contestés Jardins suspendus construits par Nabuchodonosor pour son épouse, dont aucune preuve archéologique n'a pu (encore) être trouvée. Certains archéologues suggèrent un bâtiment de deux ou trois niveaux en terrasse, avec des plantations comme il y en a de nos jours[Quand ?]. L'arrosage des jardins, réalisé au moyen d'une machine du genre vis d'Archimède, roue à godets ou autres moyens mécaniques. Les spécialistes se penchent sur le sujet.
« Des canalisations conduisent les eaux depuis le haut : tantôt elles s’élancent et s’écoulent en suivant tout droit la pente, tantôt on les contraint à remonter en spirales, à l'aide des mécanismes qui la font courir autour de l’hélice des machines.58. » À la suite de récentes recherches sur ces fameux jardins suspendus, madame Stephanie Dalley de l'université d'Oxford59, les placerait non pas à Babylone, mais à Ninive où des ruines de jardins auraient été découvertes. C'est en déchiffrant le prisme de Sennachérib, roi d'Assyrie de 705 à 681 av. J.-C.60, que madame Dalley a fait cette remarque. Senachérib, lui aussi, a lancé de grands travaux à Babylone et à Ninive sa nouvelle capitale. Un des passages du prisme précise : « J'ai construit à côté du Palais un jardin surélevé qui imite les scènes... 61 ». La confusion dans la localisation des jardins, pourrait venir des travaux hydrauliques et de jardinage dans ces deux villes sœurs de son royaume.
Sur le site de Nippur, en Mésopotamie, J. H. Haynes archéologue américain, découvrit en 1892 sur le site du temple de Bel, des robinets de fontaines en poterie, clay water-cocks, datés de 2500 av. J.-C. environ. Leur fonctionnement était simple : alimenté par une fontaine, l'eau s'écoulait normalement par la partie basse du robinet et pour boire, il suffisait de boucher avec la paume de la main la partie basse du robinet et l'eau s'écoulait pas le haut. Une crapaudine en pierre et des tuyauteries de descentes d'eau pluviale en poterie ont également été retrouvées sur le site62.
Au-delà des réseaux d'adduction d'eau primaires, on sait peu de chose sur la distribution de l'eau à Babylone. A Ninive ou dans d'autres villes de Mésopotamie, au-delà des sources de captation, aqueducs de transport et stockage dans la ville de Ninive, aucune précision concernant les raccordements vers les maisons et les bâtiments publics, n'a pu être fournie à ce jour par les archéologues. Cependant un passage du prisme de Sennachérib parle de la capture des artisans lors de la prise de Babylone par le roi Sennashérib63, ce qui laisse à penser que les artisans faisaient partie intégrante de la société babylonienne au viie siècle av. J.-C.. Certains de ces artisans avaient dû participer à la mise en place des réseaux d'eau ainsi qu'à leur entretien. Il faudra attendre le travail difficile des archéologues dans cette région du monde, pour permettre de mieux appréhender les matériaux utilisés par les plombiers de Mésopotamie. Il fallait de toute façon alimenter en eau, la population d'une ville de 50 000 à 100 000 habitants suivant les époques, qui ne pouvait vivre sans eau, et de ce fait sans plombiers.
En Crète minoenne[modifier | modifier le code]
L'île de Crète, dans la mer Égée, proche de la Grèce continentale, fut habitée dès le VIe millénaire avant J.-C., mais c'est à partir de l'Âge du Bronze, au IIIemillénaire avant J.-C., que la civilisation minoenne se développa dans l’île de Crète et dans d'autres îles des Cyclades : Délos, Pylos, Santorin, etc. À la différence des civilisations anciennes : égyptienne, perse, mésopotamienne, Vallée de l'Indus, etc., qui se développèrent dans des zones où l'eau était abondante, les hommes de la civilisation minoenne s'établirent dans des lieux de sécheresse importante, où les ressources en eau étaient rares. Ces conditions climatiques particulières, obligèrent les plombiers minoens à une gestion stricte des l'eaux disponibles : eaux de surface – eaux de pluie – et les eaux souterraines – eaux de sources -, et à l'invention des premières techniques de l'hydraulique, adaptées aux besoins de villes importantes. Vers le xvie siècle av. J.-C., l'explosion du volcan de Santorin, entraînant une série de séismes dévastateurs, aurait à la fois détruit l’île et sa flotte et serait une des raisons du déclin de la civilisation minoenne.
Vers 1200 avant J.-C., les Grecs venant de la Grèce continentale, envahissent l'île et instaurent une nouvelle culture grecque classique : l'ère dite mycénienne. L’île fut envahit à nouveau en 67 avant J.-C. et fit partie de l'Empire romain jusqu'en 395 après J.-C., puis de l'Empire Romain d'Orient ou byzantin jusqu'en 824. La Crète passe ensuite sous domination arabo-musulmane, puis byzantine, vénitienne, ottomane, égyptienne, avant d'être rattachée à la Grèce en 1913.
Entre les années 3000 et 1500 avant J.C., les échanges culturels et technologiques avec l’Égypte, la Mésopotamie, la Perse et la Vallée de L'Indus, furent nombreux, à la fois au travers du commerce entre ces régions, mais également par les guerres amenant des échanges de savoir-faire entre, les artisans et soldats-ouvriers64. L'archéologue anglais, Sir Arthur Evans, spécialiste de la civilisation minoenne précise : « Mais les poteries minoennes de Kahun semble une connexion avec la présence d'ouvriers crétois en moyenne Égypte, employés par les Pharaons (Amenemhat II et Amenemhat III – 1895 à 1797 avant J.-C.) pour leurs grands travaux architecturaux et d’ingénierie. À cette époque et les suivantes, à Knossos et ailleurs (pyramides de Illahun et Hawara et le port de l'île de Pharos), ces travaux ne peuvent s'expliquer que par la présence d'éléments minoens sur le sol d’Égypte lui-même65. »
Les hydrauliciens et les plombiers crétois de l'époque minoenne ont déployé dans les palais de l'île de Crète, toute leur ingéniosité technique, dans l'élaboration et l'installation des systèmes d'adduction d'eau, d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales, comportant de nombreuses similitudes avec ceux des régions du sud de la Méditerranée et de l'est de l'Europe, mais également avec les grands principes de base des réseaux conçus de nos jours[Quand ?].
C'est au cours de la civilisation minoenne, que sont construits les palais de Phaistos, Mallia, Zakros et le Palais de Minos à Cnossos, le plus significatif des palais sur le plan de l'hydraulique, et du travail des plombiers crétois. Le Palais de Knossos, celui-ci d'ailleurs était plus un complexe de locaux, qu'un palais avec ses lieux de stockage des marchandises, ses moulins à huile, ses ateliers d'artisans, son Palais avec ses dépendances, des bâtiments de logements de plusieurs étages et des bâtiments publics, comme les ensembles de détente avec bains publics et bars66. L'ensemble comprenait 1500 pièces. Une sorte de Cité-État plus qu'un palais classique. L'ensemble de l'île comportait près de 100 000 habitants. La construction du vieux Palais à Knossos date de 2200 avant J.-C., puis après sa destruction en 1800 avant J.-C., le nouveau Palais, au cours du viie siècle av. J.-C., fut construit plus moderne, plus vaste et comportait plusieurs étages. Le manque d'eau dans l'île, consécutif à un environnement climatique très sec, a obligé la civilisation minoenne à développer des standards d'hygiène, d'hydraulique et de plomberie, qu'aucune autre civilisation n'avait jusque là atteinte67. Les plombiers crétois ont élaboré et installé à partir des eaux disponibles, comme l'exploitation des eaux souterraines, ainsi que la récupération des eaux de pluie, des systèmes d'adduction, de filtration et de transportation des eaux potables, ainsi que le traitement des eaux usées et des eaux pluviales, avec un niveau technique exceptionnel pour l'époque. Les archéologues ont mis au jour lors de leurs travaux, des vestiges de réseaux de canalisations en pierre et en terre cuite - terra-cotta -, qui peuvent s'apparenter, dans une moindre mesure, aux installations hydrauliques mises au jour dans les villes de Dur-Untash, dans la province du Khouzestan iranien - 2400 à 539 avant J.-C. - et les villes de la civilisation de la Vallée de l'Indus, comme Mohenjo-Daro et Harappa - 2800 – 2600 avant J.-C68.
Ces eaux collectées et transportées servaient à l'alimentation des fontaines publiques, des salles de bains et des latrines des palais et autres maisons de la bourgeoisie minoenne, ainsi que pour l'alimentation des thermes, fontaines et autres jeux d'eau, utilisés pour l'hygiène et les plaisirs de la population crétoise69. Ces installations montrent un niveau d'hygiène, de gestion et d'utilisation de l'eau très développé, par rapport aux mêmes concepts dans l'Europe de l'Ouest à cette même époque.
La source principale alimentant en eau le Palais de Knossos, ainsi que les fontaines et les autres besoins de la cité, provenait dans un premier temps de la source de Mavrokolymbos, proche du palais, puis par la suite de la source de Fundana et des monts Juktas70. Ces deux derniers lieux de capture de l'eau, étaient distants d'une dizaine de kilomètres des lieux d'utilisation. L'eau était amenée par des conduites en terre cuite, ainsi que des tuyaux et caniveaux en pierre, pour le raccordement aux citernes de décantation, de filtration et de stockage de l'eau. Quelques autres sources proches du Palais fournissait également l'eau potable71.
Concernant les tuyauteries retrouvées dans le Caravansérail au sud du Palais de Knossos, il est suggéré par Andreas N. Angelakis, reprenant les textes de Sir Arthur John Evans que : « L'alimentation de ce bâtiment se faisait depuis une source sur la colline de Gypsades et que l'eau devait d'abord descendre de cette colline, puis remonter pour l'alimentation du caravansérail, suivant le principe des vases communicants. Les artisans – plombiers – minoens avaient la connaissance des vases communicants et du principe du siphon72. » Ce système hydraulique sera utilisé par les plombiers romains un millénaire plus tard, pour l'alimentation de la ville de Pergame, actuellement en Turquie, au iie siècle av. J.-C. et pour l'alimentation de la ville de Lugdunum (Lyon) au iie siècle av. J.-C., avec notamment les siphons de l'aqueduc du Giers.
Les tuyauteries les plus utilisées par la civilisation Minoenne, pour le transport des eaux dites sous pression, furent les tuyauteries en terre cuite, réalisées avec des éléments tronconiques de 70 cm environ de longueur et d'une section intérieure moyenne de 13 cm. La finition des emboîtures était d'une grande précision eu égard aux deux parties tronconique ; le joint d'étanchéité était réalisé au moyen d'un ciment spécial, certainement à base de chaux et de poudre de terre cuite « ...for the clay cement of the joints was not broken73 ». Ce type de tuyauterie de forme tronconique, n'avait encore jamais été utilisé par aucune autre civilisation et ne sera plus jamais utilisé pour d'autres réseaux de tuyauteries, généralement de forme cylindriques. Les tuyaux coniques en poterie son unique dans la Crète minoenne et utilisés pour les réseaux d'alimentation d'eau en faible pression. L'archéologue anglais Arthur John Evans, précise en 1913 : « La magnifique construction des tubes en terre cuite pour l'eau (terra-cotta) [...] Ceux avec leurs poignées et collerettes sont d'une admirable construction et la forme conique de chaque section, donne à l'eau un mouvement d'accélération bien adapté pour prévenir l' accumulation de sédiment74. »
Des études hydrauliques ont été réalisées par un laboratoire de Melbourne, sur des tuyauteries tronconiques reconstituées, afin de comparer la différence de perte de charges sur les deux types de tuyauteries. Les pertes de charges étaient plus importantes sur les tuyauteries tronconiques. Les avis des experts sont partagés sur le pourquoi de la fabrication et l'utilisation de tuyauteries tronconiques, à la place de tuyauteries cylindriques classiques.
Cependant, ce modèle de tuyauteries tronconiques, ayant été utilisé sur l'île de Crète, dont la morphologie du relief du terrain est assez particulière, aurait été préféré aux tuyauteries d'un modèle cylindriques, pour les raisons suivantes :
Facilité de fabrication et principalement dans le processus de démoulage.Facilité pour la réalisation de courbes lors des changements de direction.Possibilité de réduire la vitesse de l'eau lorsque la morphologie du terrain le nécessitait.Entraîner les impuretés et diminuer l'encrassement et l'entartrage des canalisations75.
À Knossos, Phaistos, Tylissos, Aghia Triadha, Myrtos, etc., des structures hydrauliques pour la collecte des eaux pluviales ont été mises au jour : réseaux de récupération des eaux des terrasses, bassins de décantation et de filtration, conduites gravitaires jusqu'aux citernes de réserves de l'eau. Ces eaux d'origine pluviale, étaient utilisées lors de l'assèchement des sources d'eau potable habituelles, ainsi que pour les besoins de l'hygiène et des plaisirs de l'eau : thermes, latrines, fontaines76.
Certaines des îles des Cyclades ne comportaient pas de réseaux d'adduction d'eau et des puits publics mettaient l'eau à la disposition des populations, qui ne possédant pas leur propre puits. Les eaux de pluie étaient également récupérées et stockées dans des citernes, chaque maison avait sa propre citerne enterrée. L'île de Delos, lieu de naissance selon la légende d'Apollon et d'Artémis, possédait en plus une grande citerne collective, alimentée par un ruisseau aux eaux éphémères, provenant du mont Cynthus qui approvisionnait le temple d'Apollon77.
Pour la récupération et le transport des eaux usées et des eaux pluviales, les archéologues ont retrouvé des réseaux de tuyauteries en pierre et en poterie, de section circulaire pour les réseaux horizontaux et de section rectangulaire pour les descentes d'eaux pluviales en provenance des terrasses des bâtiments, comme sur le site de Myrtos-Pyrgos au sud de la Crète. Des réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales, ont été mis au jour à des profondeurs atteignant plus de 3 mètres, afin de conserver une pente satisfaisante à l'écoulement des eaux.
Les recherches archéologiques ont montré l'importance de l'eau dans l'hygiène et les plaisirs de la civilisation minoenne. En plus des fontaines et des thermes publics, les appartements des palais étaient équipés de salles de bains78, avec l'eau courante et des toilettes alimentées en eau. Dans le Domestic quarter du Palais de Knossos, plusieurs latrines, en rez de chaussée et au premier étage, étaient alimentées en eau à partir de réservoir en étage ou en terrasse et comportaient une tuyauterie d'évacuation ventilée et raccordée au réseau principal79. Les lavabos retrouvés par les archéologues, étaient des vasques de pierre à fond plat et poignées pour êtres transportées. Ces vasques, finement décorées, s'apparentent aux larnax de petites dimensions, utilisés à la fois de baignoire et de cercueil80. Dans certaines maisons privées, ont été découvertes dans l'île de Santorin, encore utilisées lors de l'irruption du volcan Théra, des salles de bains où étaient installées des baignoires81.
Le cuivre était utilisé en Crète ; au moment de la construction des palais, les Thraces, proche de la mer Égée, commerçaient leur cuivre avec plusieurs régions comme le delta du Danube et l'est de la Méditerranée82. Dans l’Antiquité, l’île de Chypre appartient à un large monde hellénistique. Dès le xive siècle av. J.-C., le cuivre de Chypre fait l’objet d’un commerce maritime - épaves du Cap Gelidonya, d’Ulu Burun83.
Les relations commerciales étaient importantes entre le monde crétois minoen et la Grèce pré-mycénienne, ainsi qu'avec l’Égypte, surtout avec le Delta ; commerçants, artisans, soldats, mercenaires et esclaves sillonnaient le sud de la Méditerranée, échangeant leurs techniques de construction et leur savoir, et notamment dans le domaine de la construction, l'hydraulique et de la plomberie, dans le cadre des nouvelles techniques en hydraulique en raison des nouvelles exigences dans l'hygiène de ces palais.
Sans doute, l'interdépendance culturelle et technologique existait entre les Minoens, les Égyptiens, les Mycéniens, les pré-Etrusques64.
Il est surprenant de trouver les mêmes matériaux et techniques de construction, utilisés dans la Crète minoenne et les cités de Perse ou de Mésopotamie : tuyaux en terre cuite avec joint au plomb, morphologie des réseaux d'adduction d'eau et d'évacuation, traitement des eaux par décantation, que l'on retrouve à la fois au palais de Phaistos en Crète et à Dur-Untash du complexe de Chogha- Zanbil en Perse84. Sur le site d'Hagia Triada, au sud de la Crète, des objets ont été retrouvés dont les isotopes du plomb révèlent des origines afghanes.
La civilisation minoenne fut une époque florissante pour la Crète, avant de tomber dans l'oubli et être redécouverte au xxe siècle, par la mise au jour du Palais de Knossos. À la suite du déclin de la civilisation minoenne, remplacée par les Grecs continentaux - la civilisation mycénienne - , les Romains, puis les Vénitiens, Ottomans et autres envahisseurs, des vestiges de fontaines ont complété la richesse et le développement culturel et technique de l'île de Crète au cours des âges, sans toutefois atteindre le niveau des techniques hydrauliques atteintes au cours de la civilisation minoenne par les plombiers crétois.
Certains experts font d’ailleurs le liens entre les techniques hydrauliques des plombiers de l'île de Crète de l'époque minoenne et ceux des techniques des plombiers de la Grèce mycénienne85, ayant eux-mêmes retransmis leurs savoirs aux plombiers romains ; puis la conquête par César de ce qui devint la Gaule, amenant avec lui les plumbarii, permis aux Celtes romanisés puis francisés de former des plombiers gaulois.
En Grèce[modifier | modifier le code]
La Grèce antique avait pour l'eau un véritable culte. Les protectrices des eaux et des sources étaient les nymphes. Les anciennes fontaines sont célèbres comme la fontaine de Castalie à Delphes, la Fontaine aux neuf bouches (la Fontaine Ennéacrounos) de l'Agora d'Athènes....ils (les Pelasges) s'en prirent aux jeunes filles qui allaient chercher de l'eau à la fontaine Ennéacrounos...86.
Les cités helléniques étaient généralement alimentées par des puits ou des sources, la cité d'Érétrie avait une canalisation qui partait de l'Acropole et longeait l'avenue principale afin d'aller alimenter une fontaine publique87. Concernant la période hellénique, de nombreuses sources archéologiques sur les jardins et leurs jeux d'eau, ainsi que sur les fontaines publiques sont disponibles ; mais il y a peu d'informations sur la nature des tuyauteries utilisées : poterie, plomb, cuivre. Les eaux après captage étaient dirigées par des aqueducs ou des tunnels, jusqu'à des citernes légèrement en hauteur. Depuis les citernes, des réseaux en poteries enterrées et en pierre, protégés au-dessus par des dalles de pierre, amenaient l'eau par gravité vers des fontaines publiques. La sortie de l'eau se faisait généralement par une tête d'animal en bronze ou mascaron88.
À Érétrie, une ville de la Grèce antique sur l'île d'Eubée, une équipe d'archéologues de l'École Suisse d’Archéologie en Grèce, a découvert en 1991 lors des fouilles du quartier de la Maison aux Mosaïques, dans la partie nord-est du sanctuaire d'Apollon, une canalisation en terre cuite avec des joints au plomb. Cette canalisation placée sous la rue, alimentait la fontaine au nord de l'Agora.
La date de la pose et de la mise en service de cette canalisation est actuellement assez imprécise, à la suite des dernières fouilles et datations ; certains archéologues en situent la pose au ive siècle av. J.-C. En ce qui concerne l'abandon de la canalisation, elle est également imprécise, mais on peut penser que la destruction de la fontaine, ou l'obstruction de la canalisation par les dépôts de sédiments, en auraient arrêté son utilisation.
« Quant aux conduites d'amenée ou d'évacuation des eaux, elles sont toutes faites en terre cuite, les jonctions sont réalisées en plomb. Le plomb est employé sans compter dans les anneaux de cerclage de la grande conduite amenant l'eau à une fontaine publique, située non loin de l'Agora89. » « La qualité de cette conduite, la durée de son utilisation attestée par des traces de réparations... tout laisse supposer qu'il s'agissait de l'amenée d'eau potable à la fontaine publique située au nord de l'Agora... la conduite ayant été repérée sur plusieurs points de son tracée90. » Cette conduite était constituée par des éléments de tuyaux en terre cuite d'un mètre de longueur, de 13 cmde diamètre intérieur et de 5,5 cm d'épaisseur, soit un diamètre extérieur d'environ 24 cm. D'autres éléments de canalisation découverts près de la maison du sud, ont une longueur de 60 cm, un diamètre intérieur de 11 cm et une épaisseur de 2 cm. La tuyauterie est posée avec une pente de 1,6 % sur un lit de pierres creusées en leur centre, à la fois afin de stabiliser la tuyauterie dans l'éventualité d'un tassement du terrain et permettre un support bien plat, qui évitait un porte-à-faux favorisant les fuites au niveau des joints, pouvant aller jusqu'à la rupture de la tuyauterie91.
« Dans sa portion est-ouest la canalisation repose sur un lit de blocs de calcaire gris... ces blocs de calcaire sont creusés au centre de cavités, destinées à faciliter l'installation du cerclage de plomb qui joint les tuyaux entre eux et à permettre les réparations fréquentes et aisées92. »
Les différentes photos du site prises par les archéologues, ainsi que les rapports de fouilles, permettent de définir au moins quatre particularités dans la conception de cette canalisation : l'absence d’emboîture des tuyaux, la nature des jonctions, le cerclage de plomb des tuyaux et le type de coude de changement de direction.
Les tuyaux ne comportent pas d’emboîture et sont placés bout à bout, d’où la nécessité d'un support bien plat. Méthode parfois utilisée pour les réseaux gravitaires, mais rarement pour des canalisations sous pression, comme le précise les archéologues pour cette canalisation.
« Il faut remarquer, sur le tracé nord-sud, à proximité de l'angle, une augmentation du nombre des anneaux de plomb, qui ne sont plus uniquement placés aux jointures des tuyaux, mais également au centre, afin de pallier la très forte pression causée par la réorientation du tracé de la conduite93. »
À certains endroits de la canalisation, des bandes de renforcement en plomb de 5 à 10 cm de large, sont placées autour de la tuyauterie et soudées en bout. Le renforcement d'une canalisation en terre cuite par des bandes de plomb, paraît assez illusoire, à la fois par l'élasticité du plomb et par le fait que dans le cas de surpression dans la canalisation, les joints, peu fiables, auraient cédés les premiers. Ces bandes de plomb, comme le note Sandrine Huber, « ... la conduite ayant été réparée sur plusieurs points de son tracée... » les bandes de plomb auraient pu servir à réparer des fissures sur les tuyaux, occasionnées au moment de la pose, ou par la mauvaise qualité des tuyaux en terre cuite94.
« Quant aux conduits d'amenée ou d'évacuation des eaux , ils sont tous fait en terre cuite, les joints en plomb. Le plomb est employé sans compter dans les anneaux de cerclage de la grande conduite amenant l'eau à une fontaine publique située non loin de l'Agora95. »
« Dans le fond de la tranchée où était posée la canalisation, les installateurs (plombiers) avaient placé à l'intérieur de l'angle (du coude) une petite colonne cannelée qui a été enlevée et à l'extérieur un long bloc de pierre incliné. Ces blocs sont appuyés contre la (tuyauterie de) terre cuite, certainement afin d'éviter que les tuyaux se déboîtent ou cèdent sous la très forte pression l'eau96. »
« Les tuyaux de poterie étaient épais de deux doigts : ils étaient joints enfemble avec de la chaux détrempée avec de l'huyle ; Et quand ils devoient faire quelque coude, ils fe fervoient d'une pierre de rocher rouge, qu'ils perçoient pour recevoir les deux extremitez des tuyaux97. » Précision intéressante de l'archéologue concernant la pose de la canalisation, qui indique le niveau de connaissance des plombiers érétriens, dans les précautions prisent lors la mise en place de canalisation d'eau sous pression, et les éventuels « coups de béliers », avec la mise en place des points d'encrage au niveau des changements de direction. Cependant, le mot « sous pression », concernant ce type de tuyauterie en terre cuite, doit être sous entendu pour une faible pression, sinon le transport d'une eau de type gravitaire, le type de jonction tel que défini par les documents en notre possession, ne permet pas de « tenir » à une pression élevée sans d'importantes fuites, sinon la destruction de la jonction en plomb.
De nombreux trous, souvent de forme ovale, sont visibles en partie supérieure de certains tuyaux, parfois sur chaque tuyau près de la jonction. Comme le suggère le professeur Renate Tölle-Kastenbein, ces trous pouvaient servir au nettoyage de la canalisation, mais également pour reprendre de l'intérieur l'étanchéité de la jonction98.
L'état intérieur des tuyaux indique une utilisation prolongée de la canalisation. On peut observer trois couches de dépôts de différentes couleurs sur la paroi intérieure, pouvant provenir de la captation et de l'utilisation de sources différentes au cours du temps, au fur et mesure de leur assèchement.
Eupalinos
Dans l’île de Samos, le tunnel d'Eupalinos, long de plus d’un kilomètre, a été creusé dans la montagne et prenait l’eau dans deux sources afin d’alimenter l’ancienne capitale. Ce tunnel avait la particularité d'être double : un tunnel d'accès en partie haute et un tunnel pour conduire l'eau à une douzaine de mètres en dessous du premier. Dans ce deuxième tunnel l'eau était amenée par une conduite en poterie99. Cette eau une fois arrivée en ville, était distribuée pour alimenter les fontaines, les thermes, les latrines publiques et les maisons bourgeoises. L'alimentation principale se faisant au moyen de canaux et d'aqueducs en pierre. Aucune indication sur les réseaux secondaires ; très certainement comme dans les autres parties de la Grèce, au moyen de caniveaux en pierre et de poterie, mais aussi des tuyauteries en plomb ou en cuivre pour raccorder les mascarons des fontaines, qui ont depuis disparues, comme beaucoup d'autres tuyauteries métalliques.
Concernant l'organisation des métiers, on trouve dans la Grèce antique des références à des métiers qui se transmettent de père en fils, mais les traces de l’existence de corporations en Grèce datent d’une époque où la conquête romaine était achevée ; au iie siècle av. J.-C. il est difficile de savoir si ces corps de métiers avaient une origine grecque ou romaine. Les quartiers d'artisans étaient concentrés près des réseaux d'approvisionnement en eau, cet accès à l'eau constitue dans de nombreuses villes un facteur déterminant pour l'installation de certains artisans. Les plombiers helléniques romanisés et les plombiers romains hellénisés amenaient et raccordaient en eau, non pas uniquement ces ateliers mais également les fontaines publiques proches. Ces plombiers helléniques étaient des hommes libres et des esclaves, car les grecs méprisaient le travail manuel et il y avait beaucoup d’esclaves à l’époque classique, ceux-ci pouvaient être soit des artisans indépendants travaillant seuls, soit des petits patrons employant des compagnons et des apprentis100.
Les esclaves pouvaient pratiquer tous les métiers, certains très habiles et appréciés pour leur art. Un esclave plombier qui avait eu la même formation au métier qu'un ouvrier libre, était aussi qualifié qu'un plombier libre100. Mais comme le dit Aristote : « Si les navettes tissaient d'elles-mêmes et les plectres jouaient tout seuls de la cithare, alors les ingénieurs n'auraient pas besoin d'exécutants, ni les maîtres d'esclaves101. »
C’est à partir du milieu du iie siècle av. J.-C., que les armées de Rome occupèrent la Grèce, ainsi qu’une grande partie des pays du bassin méditerranéen102. À Athènes, les Romains construisirent des canaux et des aqueducs pour une meilleure alimentation de la ville en eau, ce dont elle avait un besoin urgent. Des fouilles récentes ont mis au jour des réseaux de canalisations en poteries et en plomb, datant des premiers siècles de notre ère103.
Carthage
Carthage, l'ancienne capitale romaine en Afrique, située au nord-est de la Tunisie actuelle, avait des maisons bourgeoises avec réservoir en sous sol pour la récupération des eaux de pluie à des fins domestiques, ainsi que la captation et le stockage des eaux de sources. C’est à Carthage que furent construits les fameux thermes d'Antonin, « le plus vaste ensemble thermal romain construit sur le sol africain ». À partir de l'aqueduc de Zaghouan alimentant la cité, des réservoirs d'eau d'une contenance suivant les bassins de 30 à 60 000 mètres cubes d'eau, permettaient au moyen de canalisations, l'alimentation des douches, latrines et de plusieurs piscines, dont une de près de 50 mètres de long104. La destruction du complexe au cours des siècles et donc des réseaux de canalisations intérieures, ne permet pas d'en connaître la nature. De la pierre, du plomb et du cuivre certainement, en fonction des réseaux, en grande partie mis en place par des plombiers gréco-romains.
Syracuse
Syracuse, ville au sud est de la Sicile, fut fondée au viiie siècle av. J.-C. par des colons grecs venant de Corinthe. Elle était alimentée en eau à partir de nappes souterraines et un système d'adduction d'eau classique dans le monde grec de l'époque : les puits pour les habitations, des citernes pour le stockage de l'eau utilisée pour les bâtiments d'une certaine importance et alimentés par des réseaux de distribution réalisés par des tunnels et des aqueducs creusés dans la roche de la montagne. Ces aqueducs servaient à alimenter les fontaines, comme la fontaine monumentale de la Piazza della Victoria destinée aux besoins de la population105. Des réseaux secondaires existaient pour le raccordement final des habitations ou des fontaines, notamment des tuyauteries de plomb qui ont été retrouvées au cours de fouilles106.
Au iie siècle av. J.-C., devenue une cité puissante, la citadelle de Pergame en Asie Mineure, a besoin d'un nouvel approvisionnement en eau. La compréhension technique du système hydraulique du siphon dit inversé, ainsi que la maîtrise de la métallurgie du plomb, ont permis de réaliser un ouvrage hydraulique sans précédent pour l'époque.
Pergame
Le système d'adduction d'eau de Pergame est composé de deux parties107 :
La première partie du réseau était réalisée par trois tuyauteries parallèles composées de 200 000 éléments de poterie, emboîtés et jointoyés avec un mélange de sable, d'argile et de naphte. Ce réseau amenait l'eau depuis la source à 1 250 m d'altitude, sur 40 km de distance en écoulement libre, jusqu'à un réservoir à 3 km en face de la citadelle, à 376 m d'altitude.La deuxième partie conduisait l'eau depuis le réservoir à 376 m de hauteur, jusqu'à la citadelle sur la colline en face, distante de 3 km à vol d'oiseau et située à une altitude de 350 m, et nécessitant le franchissement d'un vallon dont la hauteur la plus basse est de 175 m. Soit 200 m de dénivelé.
Le siphon qui franchissait la vallée, était constitué par une tuyauterie en plomb de 30 cm de diamètre extérieur et d'une épaisseur supposée de 5 cm. La conduite était posée sur des supports en pierre au-dessus du sol, avec des systèmes d'ancrage pour reprendre les efforts thermiques et hydrodynamiques de la conduite. La tuyauterie en plomb a disparu, seuls restent les ancrages permettant de présumer de la section des tubes et des traces de plomb retrouvées sur le tracé de la conduite. Le principe de fabrication et de jonctionnement des tubes en plomb sont inconnus. Le débit estimé de la conduite est de 45 l/s108.
Au temps des Celtes[modifier | modifier le code]
Les Celtes étaient un peuple de l'âge des métaux, mais ils ne bâtirent pas, comme les grecs et les romains des ensembles urbains, leur habitat était la hutte de torchis avec une couverture de chaume ; la maison du chef pouvait être en bois ; ces « bourgades » étaient parfois fortifiées. Il existe cependant quelques « villes » celtes, qui font encore l'objet de fouilles, telles Bibracte et Avaricum(actuellement Bourges). Les besoins en eau étaient directement pris dans la rivière proche, dans les ruisseaux et les sources qui pouvaient alimenter des fontaines. Un réseau d'égout a été trouvé à Bibracte, mais pas de technique ou de matériaux particuliers d'amenée d'eau et donc pas d'artisan pouvant s'apparenter à des plombiers109.
Au temps des Romains[modifier | modifier le code]
Le métier de plombier a suivi une évolution dans le temps et dans l'espace ; il y a une continuité dans le métier au fil des civilisations et des générations. Continuité dans l'évolution des matériaux et des techniques de fabrication et de pose et donc dans les hommes qui ont servi le métier de plombier.
L’Égypte, après être passée de dynasties en provenance de Haute et Basse-Égypte, connue le règne du fascinant Toutankhamon et de la belle Néfertiti, libyenne en 950 av. J.-C., éthiopienne, puis perse avec Darius et le règne des Grecs avec d'Alexandre le Grand et la dynastie des Ptolémées au ive siècle av. J.-C., et enfin les Romains et le couple célèbre César et Cléopâtre.
Avec l’arrivée des armées d'Alexandre le Grand en Égypte, remplacées par les armées romaines et avec elles les artisans-soldats de Rome, va se mettre en place toute une formation, des échanges et une retransmission des techniques de construction des Égyptiens vers les artisans des armées conquérantes. « Les Étrusques ont beaucoup faits pour le développement de Rome, et la Grèce n'a jamais nié sa dette envers la Crète et l'Égypte110. » Ces échanges porterons notamment dans la construction des thermes et des réseaux d'alimentation en eaux ainsi que la fabrication et l’utilisation de tuyaux en plomb. Ces matériaux et techniques seront reprises et utilisées par les collèges d’artisans de Rome, puis de l’Empire romain. « ...une trentaine d'édifices de tradition grecque datés majoritairement de l'époque hellénistique [...] l'autre moitié est formée d'établissements thermaux principalement de l'époque byzantine [...] alors que l'époque du Haut empire est peu représenté111. » Voici qu'arrivent les Plumbarius....
Les plombiers ne sont pas directement impliqués dans la construction et l'entretien des aqueducs romains, à l’exception dans certains cas, du revêtement intérieur de la partie supérieure de l'aqueduc où coule l'eau, et la construction des siphons pour la traversée de certaines vallées. Les siphons, dans le système des aqueducs, est un travail beaucoup plus conséquent pour eux, notamment ceux construits en tuyaux de plomb sous l'Empire romain. Le siphon est une conduite sous pression, permettant de franchir des vallées dont l'espace ou la profondeur nécessiteraient un ouvrage d'art trop coûteux, sinon techniquement impossible112.
Les découvertes de Pompéi[modifier | modifier le code]
Rome, non seulement la ville mais ce qui fut la civilisation romaine dans ce qui deviendra l'Italie, « avait ses plombiers, ses couvreurs, etc113. »
Sur le site de fouilles de Pompéi, région VII, 5, 28, suivant le quadrillage archéologique de la cité, un local a été identifié comme étant un atelier de plomberie114. L'identification du métier pratiqué en ce lieu, s'est faite tout d'abord en fonction de l'aménagement du local : un bloc de pierre réutilisé et servant d'établi, mais également d'un grand nombre de déchets d'alliage à base de plomb, de fer, d’alliage cuivreux trouvés dans une partie du local. Nicolas Monteix115 dit que pour l'occupant de cet atelier, la spécialisation dans le travail du plomb, est évidente ainsi que celle sur d'autres métaux. Sur un site proche un fer à braser (à souder) a été trouvé, avec des limes, une tenaille, des forets, trois marteaux et une scie. Le fer à souder a une pellicule de plomb (peut-être de soudure) sur la face servant à souder116.
Le réseau d'adduction d'eau de Pompéi partait de l'aqueduc de Serino qui alimentait également en eau la ville de Naples, vers un château d'eau principal qui alimentait plusieurs châteaux d'eau secondaires -14 ont été retrouvés - au moyen d'un réseau de tuyauteries en plomb de gros diamètres, pouvant aller jusqu'à 300 mm. À partir de ces châteaux d'eau, un réseau secondaire de tuyauteries en plomb, les fistulae, alimentait des fontaines et des maisons particulières117. Une quarantaine de fontaines ont été mises au jour par les archéologues. « Ces fontaines étaient généralement en basalte, parfois en travertin ou en marbre. Elles étaient formées d'une vasque rectangulaire, surmontée d'une pierre sculptée en forme de mascaron...118. »
Depuis la canalisation sur la rue, les maisons étaient raccordées à un réservoir individuel, lequel par un réseau de tuyauteries en plomb alimentait les fontaines intérieures, les cuisines et les latrines, les thermes publics ou bains119, avec parfois des thermes privés avec bains chauds, tièdes et froids, une piscine extérieure et les jardins. Parfois un tuyau en cuivre raccordait la sortie en bronze plus ou moins ouvragé, le raccordement sur la maison se faisait au moyen d'un tuyau de diamètre pré-calibré ne laissant passer que le débit d'eau définit par le service des eaux de la ville, une sorte de compteur, le calix ou mesureur d'eau120. Le réseau secondaire alimentait également certaines boutiques ou ateliers comme les blanchisseries ou fullonica, des restaurants (découverts en 2014) 121. On peut facilement imaginer le nombre important de plombiers, libres ou esclaves, qui travaillaient à la fabrication, à l'installation et à l'entretien de tous ces réseaux d'adduction d'eau dans les villes romaines.
L'évacuation des eaux résiduelles n'est pas nouvelle, même si au même titre que l'accès à l'eau, l'évacuation des eaux usées est encore de nos jours[Quand ?] un des problèmes majeurs des pays dits en voie de développement. Dans la ville de Mohenjo-daro bâti au IIIe millénaire av. J.-C. au Pakistan actuel, les archéologues ont mis au jour des réseaux d'égout en pierre et en poterie122. C'est des Étrusques que les Romains auraient appris ces techniques d'évacuation des déchets humains123.
Dans les ruines d'Ostie, le grand port de la Rome antique, les archéologues et les historiens, indiquent la même chose concernant les réseaux de distribution principale d'eau et les raccordements aux maisons, thermes et latrines. Les tuyauteries étaient en plomb de différents diamètres, formées à partir de tables de plomb de 1 cm d'épaisseur, roulées sur une forme probablement en bois. Après formage, les tuyaux étaient soudés sur toute leur longueur (voir croquis), avant d'êtres assemblés et placés dans des tranchées le long des voies de circulation124. Les eaux usées étaient également évacuées par des réseaux de poteries vers la mer. Le plomb était également utilisé dans les descentes d'eaux pluviales, notamment à Rome125.
Les découvertes de Trinquetaille[modifier | modifier le code]
Trinquetaille, est une ville romaine englobée dans l’agglomération actuelle d'Arles, mais qui pour les plombiers est très importante en raison des découvertes qui y ont été faites. Déjà en 1570, un premier manuscrit rédigé par monsieur Rebattu antiquaire à Arles, et propriété de la Bibliothèque de l'Université de Harvard, parle d'un tuyau de plomb remonté du fleuve avec des inscriptions en latin126. Puis en 1650, 1707, 1708 et 1822 d'autres tuyaux ont été retirés du Rhône, souvent par les bateliers lors du relevage des ancres de bateaux. Les tuyaux retirés du Rhône et sauvés du pillage, sont dans les musées de la région.
Ces tuyaux, suivant le mémoire de la Société royale des Antiquaires de France en 1823127, sont de différentes longueurs, entre 6 et 10 pieds, soit entre 2 et 3 mètres et de plusieurs diamètres : entre 13 et 15 pouces de circonférence extérieure, soit environ 11 et 13 centimètres de diamètre. Les épaisseurs varient elles aussi et elles se situent entre 5 et 8 lignes, soit entre 16 et 25 mm. Les tuyaux retirés en 1708, auraient 1 pied de diamètre, près de 33 cm (peut-être une erreur entre le diamètre et la circonférence) et une toise de longueur, environ 1,95 m de long128.
D'après les études d'André Cochet en 1993129, ces tuyaux en longueur de 2 à 3 mètres, avaient une emboîture de 3 à 4 cm et un nœud de soudure à l'étain, roulé en olive. Avant soudure et afin d'avoir une meilleure tenue à la traction au moment de l'immersion, un clou en fer était enfoncé de part en part de la jonction (surprenant). La fabrication des tuyaux était faite à partir d'une table de plomb roulée sur un mandrin qui pouvait être en bois, avec les bords légèrement relevés, probablement pour avoir un meilleur assemblage au moment de la soudure longitudinale. Celle-ci se faisait par coulage de soudure entre deux planchettes servant de coffrage130. La soudure longitudinale devait se faire directement sur la forme en bois, avec une légère remise en forme à la batte tant que le métal était chaud (voir le croquis)131. La fabrication devait se faire en atelier, peut-être au bord du fleuve, près du lieu de la mise en place et les tuyaux assemblés par longueur de 4 ou 6 mètres, ou plus, afin d'éviter un trop grand nombre de soudures en position avant l'immersion dans le Rhône.
On ne connait pas la technique pour la mise en place de ces réseaux au fond du fleuve voici deux millénaires, le Rhône n'étant pas par définition, un fleuve tranquille. Il ne semble pas qu'à ce jour une quelconque hypothèse ait été faite à ce sujet.
On remarquera que le principe de fabrication des tuyaux de plomb romains et gallo-romains par la suite, les fistulae, est le même que les tuyaux de cuivre de l'Égypte ancienne. Le cuivre fut peu utilisé par les Romains dans la fabrication des tuyauteries ; le cuivre devait être trop coûteux, alors que le minerai de plomb était disponible dans plusieurs pays de l'Empire132. Il est possible qu'à l'époque de l'invasion romaine en Égypte, les mines de cuivre du Sinaï et de Palestine ne soient plus en exploitation.
S’il y avait des tuyaux, il y avait obligatoirement des hommes pour les fabriquer et pour les mettre en place : les Plumbarius.
Au temps des Romains, ces hommes faisaient partie de cette branche des laboratores (ceux qui travaillent). Le roulage de forme ovoïde et l'étanchéité par un cordon de soudure longitudinale, ne pouvaient être faits que par des hommes de métiers. Sans oublier la pose de ces tuyauteries, fragiles, lourdes et souvent mises en place dans des conditions difficiles. Ces hommes s’appelaient Plumbarius 8, c’était les hommes qui travaillaient le plumbum, c'est-à-dire le plomb.
Le travail sur un tuyau de plomb de 200 ou 300 millimètres de diamètre, ne se fait pas sans une parfaite connaissance du métier de plombier. Sans oublier qu'à cette époque il n'y avait pas de chalumeau pour chauffer et souder le plomb, tout se faisait au fourneau placé près des soudures à réaliser. Picages droits et obliques, coudes en tranches de melon, peut-être pré-soudure du plomb au fer rouge, avant de terminer avec une belle soudure à l'étain, coulée à la louche et finie au fer chaud, dans le style qui sera celui des fontainiers des Jardins du Château de Versailles 15 siècles plus tard.
Ces tuyaux en plomb portaient presque tous des inscriptions en latin, gravées probablement avant la mise en forme, il est indiqué aussi moulé (inscrite au moment de la fonte de la table de plomb). Ces inscriptions comportent des noms de personnes, des chiffres (romains) qui pourraient être l'indication du poids d'un ensemble de réseau133. Par contre, certains portent des noms de personnes : C.CANTIVS. POTHINVS.FACIT. Facit étant le diminutif de faciebat qui en latin signifie, fait, c'est-à-dire par extension : « réalisé par C. Cantius Pothinus » et un autre avec le nom de T.VALERIVS SVRRILIO. D'après le correspondant de la Société des Antiquaires, le comte Christophe de Villeneuve-Bargemont, ancien Préfet du département des Bouches-du-Rhône (1771 - 1829), ces noms seraient ceux des ouvriers ayant fabriqué ces tuyaux. Les plombiers-soldats que César avaient envoyés en 43 av. J.-C. avec la VIe légion romaine, pour fonder la nouvelle colonie d'Arles127.
Les Romains ont peu parlé des plombiers, comme des autres métiers d'ailleurs, même si les collèges d'artisans étaient bien connus, mais le travail manuel n'était pas, à l'époque, la préoccupation première des Italiens. « ...l'esprit romain a toujours été dédaigneux du travail manuel dans lequel il voyait un abaissement, une sorte de prostitution de la dignité de l'homme libre, comme d'ailleurs les Grecs avant eux134. » Pour les Romains, seuls comptaient les soldats qui défendaient ou soumettaient les nations et les paysans qui procuraient la nourriture du peuple et de l'armée du César. Comme le dit le poète Virgile par la voix d'Anchise : Toi, Romain, souvient-toi de régir les nations, ce seront là tes arts135. C'est-à-dire, soldat gagne les guerres qui procurerent des esclaves, lesquels travaillerons pour les plombiers.
Cependant, si peu d'écrits sont parvenus jusqu'à nous, de nombreux vestiges, édifices et matériaux sont toujours là pour montrer l'art des anciens et rappeler que le métier de plombier, au même titre que le tailleur de pierre ou le charpentier, est un métier très ancien. Ceci n'est pas un vain mot, le passé le prouve.
Un tuyau de plomb a été retrouvé sur le site des fouilles entreprises à l'occasion de la construction du laboratoire de biologie du développement pour l'institut Curie à Paris en 2006. Ces fouilles ont livré de précieuses informations sur la fondation de la Lutèce romaine136. Ce tuyau, partie d'un réseau plus important d'adduction d'eau, a été fabriqué et posé très certainement par des plombiers gaulois, lesquels avaient appris le métier auprès des artisans romains137. Au musée lapidaire de Bordeaux, à la fin du xixe siècle, a été retrouvé un tuyau de plomb d'origine romaine, une fistula, très certainement en provenance de la cité de Voconces (peuple gaulois installé sur le territoire actuel de la Drome, Isère, Vaucluse, etc.). Ce tuyau de 45 cm de diamètre, portait une inscription gravée en latin : THERAPIVS F. Une plaque de plomb avec la même inscription avait été retrouvée à Vinsobres près de Nyons en 1876138. D'après les spécialistes de l'époque... THERAPIVS serait selon toute vraisemblance un plombier de la cité des Voconces...139.
Pour la construction de ces réseaux amenant l'eau dans les villes, puis le raccordement des villas et des thermes, il fallait des hommes, simples exécutants, esclaves ou hommes de peine, laboratores, et des hommes de métiers : tailleurs de pierres, maçons et plombiers : les plumbarius. Certains de ces ouvriers vinrent avec les armées romaines, souvent soldats eux-mêmes. « Ces ouvriers-soldats étaient dirigés par les Mensores, Architectes, eux-mêmes sous les ordres du Præfectus castrorum, préfet responsable des constructions et des outils140. » Ces hommes de métier formèrent les meilleurs des ancêtres de la profession ; les Romains sont restés près de cinq siècles en Gaule. Venu de l'Égypte ancienne, puis de Rome, en passant par la Grèce, le métier de plombier fut transmis aux Gaulois. Ces laboratores gaulois apprirent vite auprès des maîtres plombiers romains venus de tout l'Empire, lesquels au fil des siècles d'occupation romaine ont transmis le métier aux autres générations ; c'est à eux que l'on doit ce travail du plomb que l’on retrouve lors de fouilles dans notre pays et dans - presque - toute l'Europe.
Dans le Haut Moyen Âge[modifier | modifier le code]
À la fin de l’occupation romaine, dans le courant des ive et ve siècles et le retour des plombiers transalpins dans leur pays, les territoires occupés par les Romains lentement se replièrent sur eux-mêmes et subirent pendant des siècles les invasions barbares141. Ceci eut plusieurs conséquences dans la vie des plombiers gaulois : l’arrêt de la construction, les grands travaux de construction et de modernisation des infrastructures s’arrêtent, ensuite l’abandon de l’entretien des grandes sources de captation et de distribution de l’eau, les réseaux de transport de l'eau ne sont plus entretenus, tels que les aqueducs, les réservoirs et réseaux de canalisations. De plus, l’abandon des villas romaines avec les bassins, les fontaines et les thermes, limite les besoins en eau, lesquels faisaient la fierté des habitants et procuraient du travail aux plombiers.
Ceux-ci lentement, génération après génération délaissent l’apprentissage de leur métier, quittent les grandes villes au profit des campagnes. Il faudra attendre plusieurs siècles pour que reviennent les plombiers. À une certaine époque, les rois de France eux-mêmes avaient quitté leur capitale pour retourner dans leur domaine provincial.
L'église et le château fort[modifier | modifier le code]
La construction des châteaux forts ne procure pas beaucoup de travail aux plombiers. Certains châteaux possèdent tout de même des latrines sur plusieurs niveaux du donjon, à la fois pour la famille et la suite du seigneur, mais également pour les soldats et la garde du château ; c'est le cas pour le château de Pierrefonds chef-d'œuvre du xiie siècle142. Pour l'approvisionnement en eau, un puits au milieu de la cour près du donjon, des seaux en bois que montent les hommes dans les étages et les besoins en eau, encore faibles, sont vite couverts. Certains châteaux qui ne possédaient pas de puits, avaient un petit réseau d’aqueducs enterrés, préservant l'approvisionnement en cas d'attaque ou de siège, collectant les eaux de sources143.
Les châteaux ne sont plus couverts en plomb ; celui-ci est trop cher et trop dangereux en cas d’incendie. La toilette du matin et les toilettes sont plus que rudimentaires. Placées en surplomb, les toilettes des châteaux forts manquent beaucoup de confort144. Mais il semblerait qu’à cette époque se laver serait un signe de luxure. Mais passons vite cette époque, qui fut pour les plombiers gaulois le néant de la nuit mérovingienne avant de revenir sur la scène de leurs exploits.
Au fil des siècles et dans la nuit des invasions barbares, la tradition se perpétue tout de même un peu chez les plombiers, en effet, le clocher de la première Église Saint-Jean-du-Marché de Troyes était «...entourée d’une couronne en plomb doré...», un don, semble-il, du roi Louis II dit Le Bègue, lors de son sacre par le pape Jean VIII dans cette même église en l’an 877145. Au début du xiie siècle, l’abbé Étienne de Tournai fait reconstruire l’église Sainte Geneviève avec une couverture en lames de plomb146. Le plombier recouvre les combles et les terrasses, ainsi que certaines parties de façades en bois afin de les protéger des intempéries et de ne pas perdre la main.
En l'an 852, l'abbé Loup de Ferrières, ou Loup Servat, abbé de l'abbaye de Ferrières-en-Gâtinais, s'adresse à Æthelwulf roi de Wessex - royaume Anglo-Saxon au sud ouest de l'Angleterre - pour obtenir le plomb nécessaire à la couverture du clocher de l'église abbatiale Sainte Marie147. L'habitude d’appeler un édifice religieux Notre Dame, date du xiie siècle, au moment de la christianisation de la Gaule on employait plutôt le terme de Sainte Marie. Ayant eu satisfaction, à son achèvement le clocher fut recouvert de feuilles de plomb, ce qui le protégea jusqu'à son incendie en 1426. « ...Au Roi Ethelwulf, pour la louange et la gloire de Dieu [...] depuis que votre ferveur dans le culte de Dieu m'a été révélé par Félix, qui remplissait auprès de vous l'office de secrétaire [...] nous nous efforçons de couvrir de plomb l'église de notre monastère, qui est situé à l'intérieur des terres qu'on appelle Ferrières [...] si vous le jugez bon aidez-nous pour l'honneur de Dieu, à achever notre tâche, eu égard non à notre mérite, mais à la récompense divine parce que nous intercédons en votre faveur [...] Loup de Ferrière. Lettre XIII148. »
Il fut restauré au xviie siècle, mais frappé par la foudre il s'écroula en 1739. Rapidement reconstruit il devint bien de la République de l'An II (1793 - 1794) et la couverture en plomb fut fondu pour les besoins de la guerre ; reconstruit en 1840, le clocher et sa couverture en plomb sont démolis par mesure de sécurité suivant décision du Conseil Municipal du 21 août 1852. « Des travaux urgents et indispensables sont réclamés pour l'église de Ferrières [...] pour prévenir un éboulement dans la charpente [...] ainsi que la chute d'un clocher de plomb qui se trouve au-dessus du cœur [...] Le clocher fut rasé à sa base, une plate-forme construite et recouverte d'ardoises, mais le clocher n'a jamais été reconstruit. » « Comme le dit Violet le Duc, « La plomberie remplit un rôle important dans l'architecture du Moyen Âge ; c'était d'ailleurs une tradition antique [...] L'industrie du plombier remonte donc aux premiers siècles du Moyen Âge... »
Le plomb et le cercueil[modifier | modifier le code]
Le plomb qui a donné dans plusieurs langues son nom au métier de plombier, était connu depuis l'antiquité dans de nombreuses civilisations. Un autre matériau qui va de pair avec le plomb, c'est l'étain. Si on mélange ces deux matériaux on a de la soudure, très utile pour le soudage des tuyaux et des tables de plomb et de cuivre et plus tard du zinc, ainsi que pour bien d'autres travaux anciens et modernes. L'étain, appelé aussi plomb blanc, sert à la protection et la soudure du cuivre ; l'étain était également utilisé en couverture pour étamer le plomb et donner aux couvertures une blancheur que ne peut lui donner le plomb de couleur noire légèrement bleuté lorsqu'il est neuf et gris terne après quelques années aux intempéries149.
Le point de fusion du plomb est de 327 °C et celui de l'étain de 232 °C, avec la baguette de soudure à 28 % d'étain on atteint des températures de fusion autour de 300 °C. La soudure dite à l'étain est cependant assez délicate, de par la faible différence des températures de fusion entre la baguette de soudure et le plomb. .
Mais un autre type de plomb existe sur certains monuments historiques : c'est le plomb doré. On peut en voir sur l'aile sud du château de Versailles. Au temps de Louis XIV tous les éléments d'ornementation en plomb de ta toiture étaient dorés à l'or fin. Certaines statues en plomb coulé sont également dorées à l'or fin, comme la statue de la déesse du bassin de Flore réalisée en plomb doré et qui appartient à l'ensemble des bassins des Saisons à Versailles150. Ce travail de plomberie décorative, poinçons, épis, a longtemps été exécuté par le principe du repoussage du métal ; celui-ci permet plus de légèreté dans les ouvrages que le principe par coulage du plomb. C'est jusqu'au xvie siècle que ce principe du repoussage va perdurer pour être remplacé par la fonte du plomb sur moule, laquelle permet la multiplication plus rapide d'éléments identiques.
Les anciens avaient également trouvé que le mélange de cuivre et de plomb donnait un matériau bien utile et qui a donné son nom à une ère de l'histoire du monde : l'âge de bronze. Les besoins en plomb étaient très important, celui-ci venait de nombreuses régions de l'Empire romain, alors que l'étain venait principalement des mythiques îles Cassitérides, ou îles de l'étain au nord ouest de l'Espagne et plus tard en Cornouailles, au sud ouest de ce que l'on appelait alors l'île de Bretagne151.
En ces temps, un autre travail échoit aux plombiers et cela depuis longtemps et pour encore plusieurs siècles : c’est le doublage intérieur des cercueils, notamment pour recevoir le corps des rois et de la haute noblesse. Le tombeau de Childéric Ier, roi des Francs saliens, mort en 481 ou 482 et père de Clovis Ier, avait un cercueil composé de deux enveloppes de plomb152. Le bon roi Dagobert, mort en l’an 639, avait lui aussi un cercueil doublé de plomb.« Ils fondent (les plombiers) encore ces lames épaisses des cercueils destinés à garder, durant un si grand nombre de siècles, les cendres de ceux dont les pas sur la terre ont fait quelque bruit, laissé quelques traces153. »
L'empereur Napoléon Ier fut également à sa mort sur l'île de Sainte Hélène, inhumé dans un cercueil de plomb, puis exhumé en 1840 et transporté dans ce même cercueil vers la France154.
Les guerres étant toujours plus coûteuses, une nouvelle taxe frappa les corporations en 1696 ; un décret du Conseil d’État du roi Louis XIV, en même temps qu’il taxait la corporation des plombiers de 7 000 livres, taxait les Maîtres (les artisans) par ce décret du 17 juillet 1696 , preuve de l'implication des plombiers dans la fabrication des doublures en plomb des cercueils : « Le Roi en son Conseil a ordonné et ordonne qu’en payant par la communauté des Maitres Plombiers […] veut et entend sa Majesté, que chaque Maitre qui livrera un cercueil, paye la somme de 6 livres au profit de la communauté155... »
Le temps des cathédrales[modifier | modifier le code]
V
La cathédrale de Chartres, partiellement ravagé en 1194, le clocher nord fut repris et surélevé au xiiie siècle, avec une flèche à la charpente en bois et une couverture en plomb156. Lors de sa construction, la cathédrale Notre-Dame de Paris a nécessité 1320 plaques de plomb ; l'importance et le chef-d'œuvre de sa charpente que l'on nomme – la forêt – supporte une couverture en plomb d'un poids de 210 tonnes157.
La cathédrale Saint-André de Bordeaux, consacrée par le Pape Urbain II le 1er mai 1096, avait une couverture en plomb. Le samedi 25 août 1787, l'imprudence d'un couvreur travaillant sur la voûte principale, déclencha un incendie qui consuma en moins de deux heures la charpente du chœur. Elle fut recouverte en 1812 avec des matériaux moins fragiles en cas d'incendie158.
Les plombiers allaient montrer leur art dans les maisons de Dieu. Pas de pierre évier ou de salles de bains en ces lieux, mais ces constructions ont un toit et ce toit était souvent en plomb et le plomb en ces temps c’est l’affaire du plombier, même si à cette époque il s’appelle encore couvréeur. Couvreur il l’est et son travail est la recouverture des mésons, mais le métier est encore régi par la corporation des charpentiers et placé sous l’autorité du Premier Charpentier du Roi159.
Les corporations[modifier | modifier le code]
Le Livre des Métiers ou Établissements des Métiers de Paris, ordonné par Louis IX (Saint Louis) et réalisée en 1258 par le prévôt des marchands Étienne Boyleaux, sur les corporations de Paris160 précise que :
« ... les couvreurs faisaient partie de la réglementation (corporation) des charpentiers, car il s'agissait des couvreurs en merrain (chêne), la couverture en tuiles et en ardoises s'exécutant très probablement, à cette époque, par les maçons qui avaient, sans doute, des ouvriers couvreurs attachés à leurs ateliers161. » Le Livre des Métiers ne s'occupe que des couvreurs en bardeaux concernant les charpentiers [...] et toutes manières d'autres ouvriers euvrent du tranchant en merrien […] c'est-à-dire les couvreurs ou recouvreurs de mesons. Chapitre XLVIII du statut des charpentiers.
Dans le Livre des Métiers, aucun ouvrier ne porte le nom de plombier, il ne recense même pas encore les couvreurs et ne parle que des charpentiers au sein de la même organisation juridique. « La création d'un Maître Charpentier du Roi, placé au-dessus des jurés de chaque communauté, fut un réseau jeté sur elles par le despotisme ombrageux du monarque. Le peuple devenait fort, il inquiétait le pouvoir. On voulut s'immiscer dans ses affaires intimes, connaître ses secrets, les ressources de la grande famille industrielle, et sous la pompe d'un mot, sous le vernis de l'honneur prétendu que la cour voulait faire à la classe industrielle, disparurent beaucoup de libertés qui devaient lui êtres chères162... » Le privilège du Premier Charpentier du Roi fut aboli sous Philippe le Bel par un arrêté du Parlement en 1314163. Au XIIIe siècle, les statuts des charpentiers sont particuliers et le couvreur y figure au même titre que les charrons, les tonneliers ou les huissiers (menuisiers). Le Livre des Métiers d'Étienne Boileau, dénombre un total de 130 associations corporatives, mais seulement six du bâtiment, aucune corporation de la couverture, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de couvreurs, mais pas encore organisés et indépendants, ils dépendaient des charpentiers et les recouvreurs de mésons avec eux.
Dans le haut Moyen Age, la couverture des maisons est faite par plusieurs métiers, en fonction du matériau utilisé, chacun des métiers ne pouvait empiéter sur un autre métier.
Il y a des recouvreurs de mésons pour la couverture en chaume, le charpentier pour la couverture en merrain (chêne), la tuile et l'ardoise sont encore posées par les maçons jusqu'au XVIe siècle et la couverture en plomb formée et posée par les plombiers164 . L'article XIV des statuts des couvreurs accordés par Charles IX en juillet 1566 précise que : « ...ne pourrons les maçons, charpentiers et autres, entreprendre et faire ou faire faire, ne marchander, pour les bourgeois ou autres, aucun ouvrage de couverture, soit en thuile ou en ardoise, sous peine de l'amande [...]. Avant cela [...] Dans les temps anciens, le charpentier couvrait en merrain, le maçon couvrait en tuiles et en ardoises [...] la tradition avait conservé ses droits les maçons et les charpentiers pouvaient encore, au XVIe siècle, faire eux-mêmes des travaux de couverture, au mépris des privilèges accordés aux couvreurs165. »
Les couvreurs furent érigés en communauté distincte par le prévôt de Paris, Gilles IIaquin, qui promulgua leurs statuts le 23 février 1328. Ils furent corrigés et augmentés le 5 avril 1449, puis en 1566. « Dans les pays de souveraineté royale, le métier était une propriété du monarque qui l'accordait, à titre de récompense,comme il aurait donné un fief, à l'un des officiers de sa. couronne. […] Dans les autres parties de la France, le droit d'accorder des statuts aux corporations et d'en nommer les officiers, était exercé par les seigneurs, les évêques et les abbés166. » Chaque communauté de métier avait sa confrérie, institution de tradition romaine ; la confrérie des maîtres couvreurs parisiens avait sa chapelle placée sous l'invocation de Saint-Blaise, dans l'église Saint-Julien-le-Pauvre. La confrérie des plombiers, instituée beaucoup plus tard, était placée sous le patronage de la Sainte-Trinité167 .
Le Livre des Métiers, ne parle aucunement des plombiers. Quand il s'agissait de couvrir quelque édifice avec des lames de plomb, le travail était confié aux couvréeurs qui s'adjoignaient des ouvriers spécialisés dans le travail du plomb. Les plombiers, couvreurs d'édifices avec du plomb, se confondaient avec les couvreurs et recouvreurs de mésons jusqu'au XVIe siècle. «...quand l'on fera espiez (épis) pignons, lucarnes, enfaistements et aultres couvertures appartenant au dict mestier de plombmier, il conviendra168 ...»
Le Livre de la taille de Paris, véritable impôt sur le revenu, concernait les chefs de famille, réparti arbitrairement d'après les signes apparents de richesse ; généralement, seul le nom du chef de famille est indiqué dans les registres. Son montant est fixé arbitrairement en fonction des besoins seigneuriaux et des capacités de la population, d'où la plainte des assujettis d'être taillables et corvéables à merci169 .
Pour l'an 1292, la taille (taille annuelle) est imposée à 6 couvréeurs, 21 recouvréeurs de mésons, 3 chaumeurs, 6 tuiliers, 3 fonteniers et un ploumier170.
Pour l'an 1313, la taille (taille extraordinaire que Philippe le Bel leva pour armer chevalier, son fils aîné le roi de Navare) est imposé à 3 couvréeurs, 7 recouvréeurs de mésons, 1 fontenier, un soudeur et un plomier171.
Concernant le ploumier de la taille de 1292 – Mestre Raoul, il demeurait sur la paroisse Saint-IIuitace, en la partie devers la Porte Saint-Deny172 et le plomier de la taille de 1313, rien de permet de croire qu'ils étaient des plombiers, au sens propre du métier. Aux XIIe et XIIIe siècles, les plombiers faisaient encore partie de la corporation des couvréeurs, eux-mêmes au sein de la corporation des charpentiers, avant d'obtenir leurs statuts en 1328. La littérature ancienne spécialisée ne parle ni de ploumierni de plomier. Ils pouvaient s'apparenter à des marchands et fondeurs de plomb, mais également, à des brodeurs ou un faiseurs de fléaux d'armes173. Le chauméeur, peut désigner à la fois un marchands de paille, et/ou un couvreur en chaume. Les couvreurs de chaume étaient également désignés comme couvreurs d'estrain (du latin stramen paille)174.
Le soudeur, dont le nom de métier date de 1313175 et spécifié dans la taille de 1313 du document de J.A. Buchon de 1827, est effacé ou illisible sur le manuscrit initial ; peut être un spécialiste de la soudure à l'étain, pour les tuyaux ou les tables de plomb, au service d'une entreprise de couverture.
Si en France, en ce début du xive siècle, les plombiers, spécialistes de la pose du plomb sur les édifices, sont encore appelés recouvreurs de mésons et font partie de la corporation des charpentiers, il n'en est pas de même en Angleterre où ils sont déjà appelés plumbers, ou du moins par le mot latin plombarius 176.
Pendant le règne du roi d'Angleterre Édouard II de 1307 à 1327, des travaux de réparation et de rénovation ont lieu sur le palais de Westminster Hall construit en 1097. Sur le chantier il y avait des carpenters, des tilers (couvreurs), des smiths (forgerons), des masons (stone masons) ou tailleurs de pierres, des torchiators ou plâtriers (du mot français torchis) et des plumbers ou plombiers. D'après le Grand Livre des dépenses, The Roll, le plombier John Valet était payé au prix de 8 pences la journée, alors que son collège Semannus, du village de Estwelle, ne recevait que 6 pences par journée. Comme les charpentiers, le couvreur John le Tuler, ne gagnait que 5 pences par jour177.
Il est indiqué également qu'avant les travaux de réfection, il fut procédé à la remise en état de l'atelier de plomberie «... the old plumbing'shop - plumbaria...». Il est également mentionné les paiements pour achat de charbon, charcoal et de lead and tin, (plomb et étain, pour préparer la soudure), pour les plombiers, ainsi qu'un quartern of tallow, (quartier de suif), (utilisé pour souder le plomb, faisant fonction de décapant avant l'utilisation de la stéarine)178.
Dans les Flandres, la charte du 3 septembre 1361, impose la présence aux processions pour les métiers de «...charpentiers, maçons, couvreurs en tuiles, couvreurs en paille, plombiers...». La charte des potiers d'étain appliquée aux plomiers ou plomcquiers (de l'ancienne orthographe flamande du mot plomb) indique : « Cependant les plombiers entreprenaient des travaux beaucoup plus considérables que les potiers d'étain, quand par exemple ils faisaient des toitures, et la ville avait son Maître Plombier. » Les plombiers était donc reconnus comme profession au xive siècle à Bruges par le Comte des Flandres, comme les 54 autres métiers de la ville179. »
Après s’être organisé de longue date, la corporation des couvreurs et recouvreurs de mésons et donc des plombiers, qui façonnaient et posaient les tables de plomb pour couvrir les bâtiments, maisons bourgeoises ou cathédrales, se séparent de celle des charpentiers, ils sont érigés en corporation par le Préfet de Paris en 1321 et leurs statuts en 6 articles, promulgués le 23 février 1328, à la fin du règne de Charles IV180. L’article Ier des statuts de la corporation des couvreurs, indique que chaque Maître ne pourra avoir qu’un seul apprenti, l’apprentissage durera 6 années et à la fin de celles-ci les statuts précisent : «…et en la fin du terme le valet aura toulz ses outiex frans du mestier...» en fait les outils sont laissés en pur don à l’apprenti devenu un valet, plus tard appelé compagnon. Les statuts des recouvreurs de mésons sont revus et corrigés en 1449 par le conseiller du Roi Charles VII et chargé par celui-ci de la réforme des métiers de la ville de Paris180.
L'ordonnance du Roi de France Jean II le Bon en février 1351, concernant principalement la réglementation des prix de facturation du travail, indique :
« Les maçons et les recouvreurs de maisons ne prendront à la saint Martin d’hiver jusqu’à Pâques que XXVI (26) deniers par journée et leur ayde que XVI (16) deniers et non plus. »
Le client était déjà une personne importante aux yeux du roi, puisque celui-ci, se préoccupait de son pouvoir d'achat. Si le mot couverture est utilisé déjà au milieu du xiie siècle dans les écrits courants, le mot couvreur n’apparaît dans la langue française qu'au début du XIIIe181 La couverture des maisons est faite par plusieurs métiers, en fonction du matériau utilisé : il y a des recouvreurs de mésons pour la couverture en chaume, le charpentier pour la couverture en merrain (chêne), la tuile et l'ardoise sont encore posées par les maçons jusqu'au xvie siècle et la couverture en plomb formée et posée par les plombiers. L'article XIV des statuts des couvreurs accordés par Charles IX en juillet 1566 précise que : « ... ni les maçons, charpentiers et autres [...] ne pourront faire ou faire faire des travaux de couverture, soit en tuile ou en ardoise...». Avant cela « la tradition avait conservé ses droits : le charpentier couvrait en merrain, le maçon couvrait en tuiles et en ardoises182. »
Une charte du vie siècle fait référence à une confrérie d'ardoisiers dans la ville de Funay dans les Ardennes183. S'il y a du plomb, il y a des hommes spécialisés dans ce travail du plomb : les plombiers. La pose des tuiles et des ardoises, véritable métier, élevé en un art pour certains travaux, est totalement différente du travail du plomb dans la couverture d’un édifice tel une cathédrale, une flèche ou un poinçon, travaux de toiture, tuyaux de descente, gargouilles et autres revêtements de la pierre ou du bois.
L’esprit corporatif renaît avec les grands chantiers et le nombre d’ouvriers de plus en plus nombreux. Créée au sein même de la ville sinon du quartier, la corporation – appelée alors métier – regroupe des artisans d’un même métier et d’un même sentiment religieux184, souvent dans la même rue. Lieu de rendez-vous des métiers du bâtiment, la rue de la Mortellerie, des maçons, commençait rue du Figuier et se terminait rue rue Jacques de Brosse, elle reçus le nom de l’Hôtel de Ville en 1835185. « La place de Grève à Paris fut le rendez-vous des compagnons plombiers et couvreurs pour la recherche du travail »186.
Au cours de cette période du haut Moyen Âge, les plombiers réalisent quelques travaux de ce qui deviendra leur vrai métier : celui de l’amenée et de l’installation de l’eau dans les maisons. Mais à la fin du Moyen Âge, à Paris, seules 200 maisons sont alimentées par des canalisations en eau de source du Pré-Saint-Gervais, Belleville ou Rungis. Les canalisations sont en plomb, certaines en bois. La majorité des habitants a donc recours aux fontaines publiques, pour leur alimentation en eau dite potable, ou bien est réduite à utiliser l'eau de la Seine. Le métier de base du plombier n'est pas encore très développé et ce n'est que trop lentement que l'eau arrivera dans toutes les maisons au cours des siècles suivants.
Au sein des corporations de plus en plus puissantes, l'artisan - le Maître - devient un privilégié, mais le métier devient très réglementé, à la fois par les règles de la corporation, mais aussi par le roi. Les règles des corporations touches non seulement les Maîtres mais aussi les ouvriers (valets ou compagnons) ainsi que les apprentis187.
Les monastères et les abbayes[modifier | modifier le code]
Le monastère et l'eau[modifier | modifier le code]
Chaque monastère dispose obligatoirement d'eau pour l'alimentation des lieux communs nécessaires à la vie des moines, ainsi qu'à l'alimentation des lieux liés à la vie spirituelle comme les baptistères.
Le Moyen Âge monastique donna un formidable élan dans la technique de construction de l'époque, même si les techniques utilisées, notamment dans l'hydraulique, furent moins des innovations qu'une transmission des savoirs et des savoir-faire de l'Antiquité188. Dans les campagnes, les monastères pourraient avoir joué un rôle essentiel dans la transmission du savoir technique. Les abbés et les moines chargés de la construction des monastères, étaient instruits des techniques du captage, du transport et de l'utilisation de l'eau ; ils en furent les initiateurs et les concepteurs, les plombiers laïques en furent les réalisateurs189.
L'eau est nécessaire à la vie du monastère ; celui-ci est souvent construit près d'un cours d'eau, mais parfois sur le flanc d'une colline190. Le lieu d'implantation du monastère était important ; celui-ci devait être plus bas que le lieu de captation des eaux, afin d'avoir une certaine pression d'eau nécessaire pour alimenter les lieux d'utilisation dans le monastère et, être construit légèrement plus haut que le point de rejet des eaux usées, généralement une rivière ou un ruisseau. La récupération des eaux de pluie, des citernes de stockage et l'installation de réseaux séparatifs, venaient renforcer les besoins en eaux du monastère, avec parfois l'addition de l'eau d'un ou de plusieurs puits. Le plan hydraulique de l'abbaye Christchurch de Canterbury, réalisé vers 1150, illustre ces différents types d'approvisionnements en eau des monastères du Moyen Âge191.
L'eau sera distribuée pour faire tourner le moulin, pour l'alimentation des viviers, l'arrosage des jardins, les besoins de la cuisine et de l'hygiène corporelle avec les fontaines et les lavabos, mais également pour l'évacuation des déchets, notamment ceux des latrines, (le monastère de Cluny a compté de 300 à 400 moines). L'eau est aussi utilisée pour le baptême, avec le bain rituel des populations : elle alimentera le bassin des baptistères ; l'eau s'oriente vers un usage liturgique. Le 25 décembre 498, Clovis est baptisé dans la religion catholique à Reims par l'évêque Rémi, avec 3000 de ses guerriers francs. Le plan de l'abbaye bénédictine de Saint Gall, en Suisse alémanique, daté des années 820, donne une disposition de chaque local nécessitant une alimentation en eau192.
Depuis les lieux de captation, l'eau sera amenée vers le monastère par des canaux maçonnés, des aqueducs de pierre (abbaye de Maubuisson), des réseaux en bois (monastère de Condate dans le Jura), ou en poterie (abbaye de Cluny)193, parfois des tuyaux en plomb (abbaye de Royaumont, abbaye de Canterbury), avant son stockage dans des réservoirs, à l'extérieur ou à l'intérieur des murs du monastère, pour être par la suite distribuée vers les lieux de son utilisation194. En 1341 un conflit oppose le seigneur Jean de Chambly et les moines de l'abbaye cistercienne de Royaumont, au sujet des canalisations de plomb qui passent par les terres du seigneur et que les moines veulent faire réparer195.
L'alimentation du monastère de Waltham en Angleterre, se faisait depuis des sources distantes de 5 km. Les canalisations en plomb, avaient un diamètre intérieur de 5 à 15 cm suivant leur emplacement (certaines parties du réseau comportaient plusieurs tuyaux) ; le poids de plomb utilisé pour ce réseau est estimé à 155 tonnes196.
À l'intérieur du monastère les réseaux étaient en bois, abbaye de Tournus197, ou en poterie, parfois en pierre, monastère de Poblet en Aragon198, souvent en plomb comme au baptistère de Sainte Marie du Désert à l'Isle-Jourdain, l'église Saint Gervais à Genève, l'abbaye de Maubuisson, l'abbaye de Cluny, l'Abbaye de Christchurch à Canterbury, les monastères de Clairvaux, Grandmont, Waltham199. Des milliers de tonnes de plomb ont été mis en œuvre lors de la construction des monastères, aussi bien pour les besoins de la couverture de certains édifices, que pour la fabrication des tuyaux nécessaires aux réseaux d'eau sous pression et de certaines évacuations d'appareils.
Après le meurtre de Thomas Becket en 1170, le roi Henri II d'Angleterre (le mari d’Éléonore d'Aquitaine), afin d'améliorer ses relation avec l’Église, fit des dons de plomb à de nombreux monastères en France et en Angleterre : 280 tonnes pour l'abbaye de Clairvaux, 35 tonnes pour l'abbaye de Grandmont, 155 tonnes pour l'abbaye Sainte-Croix de Waltham, 230 tonnes pour l'abbaye d'Amesbury, Saint Bernard, Canterbury, etc196.
De ces tonnes de plomb mises en place sur les toitures des bâtiments, pour les chéneaux et descentes pluviales, et l'installation des réseaux d'eau, il n'en reste que peu de traces ; quelques tuyaux retrouvés au cours de fouilles, la majeure partie a été pillée, soit pour les besoins de nouvelles constructions dans les villages des alentours, soit pour les palaces construits dans les siècles suivants, mais aussi pour les besoins de la guerre, pour les balles des fusils ou la production de bronze pour les canons.
Pour la construction des réseaux d'évacuation à l'intérieur et à l'extérieur du monastère, on retrouve le même type de conduit que pour les réseaux d'adduction : Le tuyau de plomb, de poterie et de bois, puis le canal de pierre qui amène les eaux vers leurs différents lieux de destination : des eaux faiblement chargées pour terminer leur passage sous les latrines et le vivier200, puis vers la rivière ou le ruisseau.
Le lavabo ou la fontaine[modifier | modifier le code]
Le lavabo est un symbole d’humilité et de fraternité, une purification de l’âme comme celle du corps ; « Je lave mes mains en l’innocence et tourne autour de ton autel, Seigneur »201. Pour toutes ces raisons, le lavabo tient une place importante dans le cloître. Il doit fournir en tous temps de l’eau au cœur du monastère. L'alimentation principale du monastère arrive souvent directement à la fontaine, dont la vasque principale ou lavabo sert de distributeur pour les autres locaux ou vasques alimentés en eau202. Le lavabo est généralement une grande vasque en pierre ou en marbre, répandant l'eau par une quantité de petits orifices percés autour de ses bords dans un bassin inférieur. L’alimentation de cette première fontaine exige donc un débit important et une pression suffisante pour atteindre le cloître et faire sortir l’eau à une hauteur convenable, permettant l'alimentation des autres points de puisage203. Dans le haut Moyen Âge un bénédictin devait au moins prendre un bain à Pâques et à Noël ; les monastères cisterciens semblent ne pas posséder de bains. Le lavabo ou fontaine, sert aux ablutions indispensables avant d’entrer dans l’église pour la prière et au moment des repas204.
En dehors de la prière les moines travaillaient de leurs mains205, certains à des travaux d'enluminure et de recopiage de documents, d'autres aux travaux des champs, de jardinage, à la cuisine et la boulangerie. Si les moines aidaient à la construction de leur monastère, c'était pour des travaux de manouvriers mais pas d'ouvriers qualifiés et certainement pas de plombiers206. « Au-delà de l’enceinte monastique, la mise en place de l’immunité clunisienne favorise la fixation d’une population d’artisans qui participent à leur manière à l’extension du site, par le développement du bourg monastique207. » La description du monastères de Saint Gall en Suisse et les statuts de l'abbaye de Saint Pierre de Corbie en Picardie, ne parlent pas de métiers du bâtiment au sein de la communauté monastique208.
Le plan de plomberie du psautier d'Eadwine[modifier | modifier le code]
Partie du psautier enluminé d'Eadwine, les deux manuscrits du réseau hydraulique de la cathédrale et du prieuré Christchurch à Canterbury en Angleterre, sont datés des années 1150 et auraient été réalisés sur demande du Prieur Wibert. Le manuscrit principal du réseau hydraulique, est formé de deux parties cousues ensembles pour former un plan de 64 x 45 cm et portant les références 284v et 285r. Un deuxième manuscrit sur une seule page, plus simple dans sa réalisation et par les informations qui définissent les différents réseaux, paraît ne pas être terminé et avoir été substitué par le premier document. Ces deux manuscrit ne sont pas complémentaires209.
Le manuscrit principal comporte des réseaux rouge, vert, et jaune pour différencier les différentes eaux distribuées ou évacuées ; Le plan de plomberie du psautier d'Eadwine, est le premier plan de « plomberie » qui, à ce jour, soit arrivé jusqu'à nous. Sur le plan d'architecture du monastère de Saint Gall, est indiqué l'emplacement des différents locaux, mais sans indication de leur besoin en eau, les réseaux de distribution ne sont pas indiqués. Sur le plan du réseau hydraulique de la cathédrale et du prieuré Christchurch à Canterbury, les réseaux d'adduction et d'évacuation sont dessinés et définis suivant des couleurs distinctives : le réseau en vert conduit l'eau d'une source extérieure vers la fontaine principale du cloître, à partir de cette fontaine un réseau en rouge distribue l'eau vers les points de puisage ; le réseau des eaux de pluie est dessiné en jaune/marron.
À partir du site de captation, distant d'un kilomètre, les eaux sont stockées dans des châteaux d'eau (Turris), filtrées, puis décantées dans 4 bassins de décantation, la conduite représentée en vert, passe dans les champs, les vignes vinea) et une pommeraie. Elle franchit ensuite les douves du monastère sur un pont. Un robinet de vidange est placé en partie basse des réservoirs de stockage/décantation afin de permettre le désembouage du réservoir. Le débit du réseau est estimé à 10 000 litres par heure ; la différence de hauteur entre la source et l'arrivée de l'eau au monastère était d'environ 10 mètres210.
Après son entrée dans l'enceinte du monastère, la conduite d'adduction circule en réseaux enterrés et traverse divers bâtiments, pour aboutir à la grande fontaine à l'étage d'un bâtiment. Cette fontaine, située sur le chemin de l'église au dortoir, servait aux moines pour leurs ablution avant d'aller à la prière.
À partir de la partie basse de cette fontaine, un réseau de tuyauteries représenté en rouge, se ramifie en deux parties : l'une partant vers les le sud et les autres fontaines, à partir desquelles l'eau est distribuée dans l'ensemble de cette partie du monastère et rejoint le vivier. La deuxième partie du réseau, depuis la fontaine du cloître, part vers le nord pour alimenter divers bâtiment, cuisine, réfectoire, les bains, puis les latrines, avant d'être conduite en dehors de murs du monastère. Le vivier comporte lui aussi un trop plein qui conduit vers l'extérieur du monastère avant de passer également dans les latrines. Sur certaines parties du réseau des robinets d'arrêt sont dessinés.
Le troisième réseau, représenté en jaune/marron, a son origine dans la récupération de l'eau de pluie des toitures du cloître, dans des chéneaux et des descentes pluviales. Ce réseau récupère également les vidanges de certaines fontaines et de lavabo du monastère (lavabo des religieux, lavabo de l'infirmerie, fontaine du cimetière des laïcs, etc.) ; ce réseau d'eaux pluviales reprend aussi la vidange de certains réseaux d'alimentation.
Confirmé par les recherches archéologiques entreprises sur le site de l'abbaye, les tuyauteries trouvées sur le site des fouilles et amenant l'eau étaient en plomb211.
Ce plan du réseau hydraulique de la cathédrale et du prieuré Christchurch à Canterbury, donne un état des techniques hydrauliques monastiques en vigueur au xiie siècle. Le plan indique avant tout à cette époque, le principe d'alimentation en eau d'un prieuré. Le réseau des tuyauteries d'alimentation d'eau enterré, pour l'alimentation des chambres des prieurs, de la salle de bains, de l'infirmerie, des cuisines et du réfectoire est parfaitement bien défini. Cependant, si ce document unique est bien un plan du réseau de tuyauteries, ce n'est pas l’œuvre d'un technicien plombier, mais d'un moine du nom d'Eadwine. Ce n'est pas un plan d'installation, mais plutôt un plan de recollement, pour permettre les réparations ou le remplacement des tuyauteries212. Cette installation avec ses réservoirs de stockage de l'eau et de décantation, est en conformité avec les recommandations de Vitruve dans son De Architectura du Iersiècle213.
Baptistères et fonts baptismaux[modifier | modifier le code]
Jusqu'au viie siècle, le baptême était administré par immersion complète des adultes. Dans les débuts du baptême des chrétiens, les fonts baptismaux étaient dans une partie de l'église, puis dans un bâtiment attenant, appelé baptistère, comprenant en son centre les fonts baptismaux, un bassin soit enterré ou légèrement surélevé214. Ce bassin baptismal ou vasque, pouvait être rond, carré, octogonal, polylobé ou en croix, de dimensions importantes ; celui de Lyon faisant 3,66 m de largeur. Le premier baptistère de Marseille au ve siècle, sur le site d'une église paléochrétienne, offre le plus grand et le plus riche de tous les baptistères de la Gaule215. Le bassin du baptistère du Latran à Rome, avait un diamètre de 8,50 mètres et une profondeur de 0,70 m à 1,00 m ; le bassin possédait des marches permettant d'accéder au fond et de le traverser après l'immersion : après la renaissance du baptisé suivant la liturgie chrétienne
Les bassins des fonts baptismaux possédaient une alimentation en eau, avec parfois en écoulement continu ; dans les débuts du christianisme le baptême avait lieu dans l’eau courante, rappelant ainsi les premiers baptêmes dans le Jourdain. Certains bassins possédaient un système de chauffage, à partir d'un hypocauste (baptistère de l'église Saint Jean de Lyon)216. . Au viie avec le baptême des enfants, les vasques remplacèrent progressivement les bassins et le principe de l'immersion. La cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence, dès sa construction, le baptistère a été alimenté par les eaux chaudes provenant des thermes romains. Le baptême est alors administré par immersion totale. La cuve serait d'époque mérovingienne.
L'alimentation des bassins se faisait au moyen de tuyaux en bois ou en plomb, comme le baptistère du ive de l'église Saint Étienne de Lyon, ou les baptistères de Nantes et d'Aoste. Les bassins comportaient une évacuation en pierre, en poterie, en bois, ou en plomb, comme les baptistères de Lyon, de Nantes, de l'Isle-Jourdin dans le Gers, de Séviac dans le Lot, et cela suivant les époques ou les lieux d'édification217.
Le baptistère Saint-Jean, à Poitiers, édifié vers l'an 350, est un exemple type de baptistère paléochrétien. Une pièce rectangulaire, ceinturée de plusieurs annexes, accueillait une grande piscine octogonale dotée de trois marches. Le bassin mesure 1,41 mètre de profondeur et jusqu’à 2,15 mètres de largeur. Il était relié à l’aqueduc amenant à Poitiers l’eau d’une source des environs.
La couverture des monastères[modifier | modifier le code]
Plusieurs types de couverture étaient utilisés dans la construction des monastères : la tuile, plate ou le modèle canal, l'ardoise, la pierre et le plomb. Plus encore que pour les tuyauteries, ces matériaux ont disparu au fil des siècles ; pillages, incendies, réutilisation sur d'autres bâtiments. Cependant, si au cours des fouilles, les archéologues ont retrouvé très peu de ces matériaux, la description dans divers documents, ainsi que dans les peintures de certains monastères d'époque, sont encore disponibles, comme les pipe rolls en Angleterre218.
À cette époque, en France comme en Angleterre, le travail de couverture en plomb des bâtiments, et principalement des bâtiments de prestige, était l’œuvre des plombiers et non de la corporation des couvreurs219.
La construction des canaux et des aqueducs était l’œuvre des maçons et des tailleurs de pierres. Les réseaux d'adduction d'eau à l'intérieur du monastère étaient en tuyaux de plomb, de terre cuite ou de bois. La distribution de l'eau froide vers les différents bâtiments et leurs lieux d'utilisation, l'évacuation des eaux usées et pluviales après leurs différentes utilisations et stockage, ne peut être que l’œuvre de plombiers, dépositaires des techniques apprises auprès des plombiers romains et gallo-romains du début de notre ère.
Le travail du plomb, en plomberie ou en couverture de plomb, de la poterie ou du bois, dans le cadre de travaux d'hydraulique, c'est-à-dire le travail des plombiers, est un savoir qui se transmettait par l'apprentissage, de Maître à apprenti. Les moines n'étaient pas dans les monastères dans ce cadre d'approche du métier220.
Au temps de la Renaissance[modifier | modifier le code]
Au xvie siècle, la noblesse et de nombreux marchands font construire de luxueuses maisons et le métier de plombier devient un métier d’art dans l’habillement des toitures de ces palais et maisons bourgeoises, avec lucarnes et autres ornements en plomb. C’est alors que les plombiers qui se confondaient avec les couvreurs depuis plusieurs siècles, sollicitèrent leurs propres statuts. Le Prévôt de Paris, Martin de Bragelonne, en 1549 accepta leur demande.
Les premiers statuts des plombiers – les plombmiers - érigés en métier juré, c'est-à-dire en corporation régulière, furent donnés par lettres patentes au mois de mars 1549 par le roi Henri II. Le roi Louis XIV les renouvela en juin 1648221.
Les jurés étaient au nombre de deux, élus par leurs pairs, ils étaient responsables de la qualité du travail exécuté par les plombiers de la ville et avaient à faire plusieurs visites chaque année sur les chantiers, faisant refaire le travail aux frais du Maître, ou de l’ouvrier qui l'avait mal exécuté et ceci après avoir payé une amende. Un peu dans l'esprit de la charge des plumbing inspectors canadiens.
Sur les horaires de travail, l’article XIV des statuts des plombiers précise :
« …la besoigne puisse estre et soit loyalle et marchande, nul maistre ne pourra besoigner ne faire besoigner sinon depuys cinq heures du matin jusque a huict heures du soir…» lors du renouvellement des statuts en 1648 il est rajouté et précisé enfin «...sans discontinuation que pour prendre leur réfection honnête et nécessaire...» une honnête journée d’à peine 15 heures222. »
Pendant encore plusieurs siècles, les plombiers vont faire des travaux de couverture en plomb et cela en toute légalité, suivant leurs statuts royaux de 1549, qui les définissent comme seuls spécialistes pour couvrir en plomb toitures et lucarnes. « Les statuts des plombiers de 1648 article XXXVIII, précisent bien que les couvreurs et maçons «...empiétaient souvent sur les fonctions des plombiers, il leur était défendu de se charger des ouvrages de plomberie, ces ouvrages mal faits et mal soudés par eux pouvaient être un danger pour les passants. » Ces deux corporations, les couvreurs et les maçons, étaient cependant autorisées à réaliser ces travaux, mais sans autorisation de faire des soudures, et avec l’accord du Maître plombier responsable du chantier223.
Un certain nombre de précautions sont à prendre lors de la réalisation d'une couverture en plomb, ceci afin que le plomb ne glissepas au cours des siècles, à la fois par son propre poids et par l'effet de la dilatation sous les effets du soleil. Dans ces conditions les tables de plomb ne peuvent pas êtres soudées, mais assemblées suivant des règles d'assemblage et de fixation stricts : sur les toitures à fortes pentes, les jonctions latérales sont généralement assemblées par ourlets enroulés, parfois surélevées par une chanlatte placée en dessous. Les jonctions transversales sont exécutées par recouvrement sur la table inférieure, la fixation se faisant au moyen de pattes en cuivre étamé, fixées sur le support. En général les éléments doivent êtres soutenus par un ensemble en bois résineux - sapin ou peuplier - appelé voligeage, ou protégé par un papier anglais (toujours utilisé de nos jours[Quand ?]) sur les supports de pierre, de plâtre ou de ciment224.
C'est vers le milieu du xvie siècle que l'on commença à remplacer les gargouilles, qui rejetaient l'eau sur les passants, par des descentes en plomb. Ces descentes recevaient l'eau des terrasses au moyen d'une cuvette et d'un moignon. Ces éléments étaient souvent ouvragés225. Ils furent par la suite remplacés par des éléments en fonte, cuivre ou zinc.
En ces temps les besoins en eau pour la toilette étaient encore faibles, on se lavait peu, à la fois par manque d’eau et par manque d’appareils sanitaires, dont certains n’existaient pas encore, mais aussi peut-être que l’on ne voyait pas la nécessité de se laver. C'est l'époque où les rois et reines les plus illustres, utilisaient la fameuse chaise percée en des lieux qui surprendraient aujourd'hui. Les Anglais, dont les coutumes ressemblaient un peu aux pratiques françaises de l'époque, ont immortalisés la reine Elisabeth Ire par le fait que celle-ci «... prenait un bain chaque mois, qu’elle en ait besoin ou pas »226.
Le château de Versailles, noblesse oblige, avait cependant un nombre important de chambres avec salle de bains et c’était un grand privilège pour un personnage de la cour, que de se voir attribuer, lors d’un séjour au château, une chambre avec salle de bains.
En 1674, André Félibien dans son livre sur la Description sommaire du chasteau de Versailles décrit ainsi ce que pouvait être une salle de bains au château de Versailles :
A coſté de cette Sale eſt la chambre, & le Cabinet des Bains…où fera une table en forme de bufet fur laquelle doivent eſtre arrangez tous les vaſes & autres chofes neceſſaires pour les bains…c’eſt là que feront les petites Baignoires de marbre & au deriere eſt le reſervoir pour les eaux...227.
Mais le Paris du Bon Roy Henri manque d'eau, en 1608 la pompe dite de la Samaritaine est mise en route. Première pompe hydraulique installée sur une des piles du Pont Neuf, avec ses 4 pistons entraînés par une roue actionnée par le courant du fleuve ; elle élève 700 mètres cubes d'eau de la Seine par jour pour alimenter le Louvre, le jardin des Tuileries et 3 fontaines pour le peuple. La pompe fut plusieurs fois restaurée, en très mauvais état elle sera abandonnée en 1791 ; elle sera démolie en 1813228.